La Dolce Vita

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Ressortie en version restaurée du chef-d’oeuvre de Fellini.

Le premier plan de La Dolce vita contient déjà en essence tout le film: un hélicoptère portant une statue de Jésus salué par toutes les catégories sociales, des enfants aux ouvriers. Dans l’hélicoptère, un homme aux lunettes noires et son photographe en profitent pour charmer les jolies bourgeoises qui prennent des bains de soleil sur leur terrasse. Tout est en place : la perversion, la violence, l’incommunicabilité. La Dolce vita, chef-d’œuvre de Fellini, nous conte la déchéance d’un homme seul face à la perversion du monde qu’il s’est choisi.

La Dolce Vita est d’abord un film où la violence et la cruauté se lisent en filigrane, sous-tendant toute relation humaine sous le masque du paraître. Le personnage de Marcello, au centre du film, est la jonction de deux mondes, celui de la presse à scandales, inhumaine, qui va chercher dans la fange et le malheur matière à reportage ; et celui de la haute société oisive, nobles et artistes désabusés, qui s’accommodent avec délectation de cette intrusion malsaine dans leurs vies. Les deux personnages qui pourraient, en un sens, sortir Marcello de cette société de spectacle sont éliminés violemment un à un par Fellini. Le père se révèle être un coureur de jupon et l’ami fidèle, l’intellectuel, tue ses enfants et se suicide ensuite. La séquence sur les deux enfants qui prétendent avoir vu la Vierge joue sur le caractère croyant de la société italienne. Fellini filme ici le cirque des vanités de la détresse humaine. Le mensonge des enfants est l’acte qui semble le plus intolérable du film, faisant courir sous la pluie les malheureux et les infirmes sous le flash des appareils photos.

Le rapport de Marcello aux femmes est complexe. Marcello fait l’amour à une femme du haut monde chez une prostituée et délaisse sa femme légitime qui en vient à se droguer pour attirer désespérément son attention. Enfin, l’apparition éblouissante de la star et la séance de questions surréalistes des journalistes, allant des spaghettis au néoréalisme, trouve son écho dans la très célèbre scène dans la fontaine où le noir et blanc est sublimé par la présence des corps dans l’eau. Marcello est ainsi tiraillé entre la madone, la « mama » et la putain. Il en finira par battre sauvagement une femme, lors de la dernière soirée du film, transformant la violence sourde en violence physique dans une scène d’une rare cruauté. Mais La Dolce vita traite aussi de l’incommunicabilité entre les hommes. La jeune fille de la plage qui, par son jeune âge, sa douceur et sa beauté, aurait pu être une figure de salut pour Marcello ne parvient pas à se faire reconnaître par lui. Ici, le mime n’a plus de valeur. Marcello est trop loin, il a fait son choix et personne, pas même un ange, ne peut plus le sortir de la fange.

La Dolce vita laisse un goût amer dans la bouche. Les images de fêtes, de robes virevoltantes au son de la musique restent gravées dans notre mémoire, à côté de ces rangées d’infirmes attendant un signe de la Vierge et de cette immense raie aux yeux ouverts sur le monde et sur Marcello qui attend sa fin.

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