Marie Cadalanu, agrégée de Lettres modernes et docteur en études cinématographiques, s’intéresse au cinéma français et en particulier au film musical et le cinéma chantant français des années 1930 à nos jours, ainsi qu’au « musical hollywoodien ». De son côté, Jérôme Rossi, professeur de musicologie à l’université Lumière Lyon 2, a écrit de nombreux ouvrages et articles consacrés à la musique postromantique et aux relations entre musique et cinéma. Il compose régulièrement des musiques pour le cinéma et la télévision. Ensemble, ils proposent dans cet ouvrage paru dans la très dynamique et indépendant maison d’éditions belge une belle somme de quelque 500 pages avec quelques illustrations qui abordent les comédies musicales à la française, un genre qui a eu un grand succès jusqu’à Jacques Demy, détrônant presque à un moment donné le « musical » américain. Tout le monde a dans la tête quelques chansons comme ça, qu’on ne saurait ni dater ni situer dans notre mémoire musicale collective et qui sont comme des archétypes qu’on aime fredonner sous la douche ou à la fin des banquets encore un peu républicains. Il en va ainsi de ces quelques tubes un peu datés mais inoxydables que personne n’arrive à chanter en entier mais qui restent en mémoire comme Dans la vie faut pas s’en faire, Sous les palétuviers ou encore Le Chanteur de Mexico, grand succès intemporel mais très difficile à chanter mais pas autant que les airs actuels d’Aya Nakamura ou de Zaho de Sagazan…
Mais sait-on toujours que ces airs archiconnus sont extraits de films, tout autant que Mon amour, je t’attendrai toute ma vie ou Nous sommes deux sœurs jumelles composées par Michel Legrand pour, respectivement, Les parapluies de Cherbourg et Les demoiselles de Rochefort. On disait autrefois qu’en France, tout finissait par des chansons. Ça voulait dire que, dans la vie justement, « faut pas s’en faire »… Maintenant, les temps sont devenus plus durs, plus tristes. Heureusement qu’il nous reste ces films que le livre fait revivre tout en les expliquant et en les situant dans leur époque grâce à grande érudition des auteurs. Tout comme le cinéma hollywoodien, le cinéma français a donc produit ses propres comédies musicales, appelées diversement « comédie musicale », « opérette cinématographique », « film-opérette », « opérette filmée » ou encore tout simplement « opérette » et il a lancé les carrières de plusieurs vedettes telles qu’Henri Garat, Lilian Harvey, Maurice Chevalier, le duo Pills et Tabet, Alibert, etc. À la mode dès Le Chemin du paradis (1930), le genre connaît son âge d’or dans la première moitié des années trente, période à laquelle il affirme une esthétique qui lui est propre : fantaisie, travail sur la parole et la musique, réflexivité théâtrale. L’opérette cinématographique se ramifie également en sous-genres comme l’opérette marseillaise qui connut une grande période de gloire avec Vincent Scotto mais surtout le film Honoré de Marseille de Maurice Regamey en 1856 avec Fernandel ou l’opérette viennoise. Après avoir décliné lentement, elle connaît un second souffle au tournant des années 1950 avec Georges Guétary et Luis Mariano tout en générant d’autres formes de films chantants comme les films avec Ray Ventura ou, dans les années 1960, le cinéma « en-chanté » en « en-chantant » de Jacques Demy.
Marie Cadalanu & Jérôme Rossi (dir.). Comédies musicales à la française. Les Impressions nouvelles, Bruxelles, 2025. 496 p., ill. 35 euros.