La beauté du monde

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Pour son treizième film, Cheyenne-Marie Carron part en guerre contre l’indifférence.

Dire l’indicible

Avec trois courts métrages et treize longs métrages à son actif, Cheyenne-Marie Carron continue son prodigieux voyage dans le petit monde du cinéma français, nous livrant à chaque fois le meilleur d’elle-même. Avec La beauté du monde, son dernier opus, elle se surpasse tant au niveau de la mise en scène que de la photo et même de la direction d’acteurs, puisqu’elle a encore avec elle François Pouron, un fidèle qu’on a déjà admiré dans trois de ses précédents films (Le soleil reviendra, Le corps sauvage et La chute des hommes) et la magnifique Fanny Ami qu’elle vient de découvrir pour le rôle de Clara. Jamais reconnue ni aidée par le CNC, la réalisatrice doit à chaque fois se battre pour monter son projet et rien que pour sa pugnacité et son talent, elle mérite amplement d’être soutenue, au moins par la critique. Bien sûr, elle ne fait pas dans la dentelle, et elle s’attaque à des problèmes que l’establishment préfère taire ou cacher, mais on ne peut ôter à Cheyenne-Marie ni son courage, ni son engagement. Ici, elle décide de partir en guerre contre le silence qui se fait autour des soldats – en l’occurrence ici un légionnaire – qui reviennent d’une mission de guerre où ils ont vu mourir leurs camarades et au cours de laquelle ils ont été blessés dans tous les sens du terme. Ainsi, son film raconte l’histoire de Roman, un militaire souffrant de traumatismes qui à son retour de mission ne parvient pas à trouver ses repères dans la société.

 

Comme guérir de ses blessures post traumatiques

Sur un sujet aussi clivant, Cheyenne-Marie Carron parvient à nous dépeindre à la fois le monde d’une garnison de légionnaires, et d’un couple près de la rupture en raison justement du hiatus entre l’engagement militaire, la proximité de la mort et de la violence, et la vie de famille qui est en complète opposition. Sans manichéisme, sans tabou non plus, elle parvient justement à nous montrer une vraie situation, pour laquelle elle ne semble pas prendre position, puisque son empathie va tout autant à la jeune épouse qu’à son mari traumatisé par les scènes d’horreur auxquelles il a assisté dans sa mission au Mali. On retrouve un peu la même problématique que dans son film précédent, Le soleil reviendra, qui parlait des femmes de soldats quelque peu méprisées et oubliées par la hiérarchie militaire sauf qu’avec La beauté du monde, c’est le soldat qui met sa vie en danger pour sauver la collectivité et ne reçoit en retour aucune reconnaissance . Témoin, au début du film, ce cadeau collectif que sa famille lui offre croyant bien faire et détendre l’atmosphère et qui n’est autre qu’un sweat-shirt SuperMan.

 

Toucher le cœur des soldats

« J’ai approché de près les blessures invisibles dans ma vie privée et je ne pensais pas que le syndrome post traumatique avait été porté dans le cinéma français, de manière contemporaine, déclare la réalisatrice dans le dossier de presse du film. Alors j’ai pensé qu’il était bien de le traiter au cinéma. Mais je tenais beaucoup à ce que l’histoire aille vers un début de résilience. Je voulais faire un film à la fois vrai et positif pour qu’il puisse toucher le cœur des soldats. » Un film qui saura toucher en effet le cœur des soldats qui seront sensibles à cette attention, eux qu’on a trop souvent tendance à oublier, surtout en ces temps de terrorisme, même si le cinéma – et peut-être grâce entre autres au travail de Cheyenne-Marie Carron – semble changer peu à peu de position en se penchant sur l’engagement des militaires. On pense surtout à Beau Travail de Claire Denis (1999) et, plus récemment, La troisième guerre de Giovanni Aloi (2021) qui, pour une fois, ne proposent pas une image négative de la grande Muette.

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Durée : 119 mn


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