Juste entre nous

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Pour ceux que les doubles vies des émissions de téléréalité passionnent, voici un film qui intéressera justement parce qu´il propose la fiction comme lecture possible du réel, en le revendiquant, sans avoir besoin, comme le fait l´actuelle télévision dévoreuse d´intimité, de salir des vies réelles.

Mélange détonnant serbo-croate-slovène, Grand Prix au festival de Karlovy Vary 2010, voici une comédie plus qu’à l’italienne, verte et limite paillarde, pour évoquer la vie d’une famille tuyau de poêle à Zagreb de nos jours. On en revient toujours à cette même question : pourquoi les Français sont-ils maintenant seulement capables de proposer des comédies formatées, eux qui étaient jusque dans les années 80 le fer de lance du cinéma mondial ? L’exception culturelle aurait-elle fait long feu ?

Bref, ici n’est pas le débat, parlons peu, mais parlons bien de cette comédie qui, certes, n’est pas inoubliable, mais qui fait passer un bon moment, entre rires, surprises et analyse sociologique précise et plaisante d’une société que nous connaissons mal mais qui semble prendre le malheur du bon côté comme dans les comédies de Dino Risi à l’époque. La note d’intention du film précise en effet : « Juste entre nous est une histoire contemporaine à huis clos sur les passions érotiques et les secrets bien gardés de la bourgeoisie. »

Le film raconte l’histoire de deux frères, dont l’un d’entre eux est interprété par le talentueux Miki Manojlović qu’on ne présente plus. Tous deux mariés, mais leurs destins vont se croiser pour des raisons complètement foldingues. L’atmosphère croate est bien rendue, montrant les ravages que la mondialisation fait vivre à ce pays qui, jusqu’à il y a peu, vivait sous un titisme protecteur.

On ressent bien ici le décalage culturel qu’a permis une certaine modernité avec notamment la vulgarisation des méthodes de fécondation, la trivialité des relations hommes/femmes, etc. Entre comédie de mœurs et film choral, Juste entre nous tisse des liens entre des membres d’une même famille, et pourrait conclure en se disant que tout ça ne sort pas de la famille justement. L’image finale du film résume bien cet état de fait puisqu’on voit frères, femmes et enfants unis de façon à la fois comique et quelque peu pathétique, et que l’on pourrait aussi y lire le bilan de quelques vies gâchées. Le réalisateur s’en explique fort bien : « Aujourd’hui, l’adultère remplace les hors-la-loi d’hier ainsi que les révolutionnaires, les rebelles et les visionnaires. Selon les sociologues, l’envie de se sentir exister, l’excitation de transgresser les lois, et le danger de traverser l’inconnu, se résument dans l’aventure qu’est l’adultère. »

Le film fonctionne en effet sur des histoires croisées et le montage est intéressant car il présente des sortes de flashbacks, comme si l’histoire en cours s’arrêtait un instant pour se focaliser à nouveau sur un des protagonistes et repartir ainsi de suite, afin de construire sous nos yeux une saga familiale basée sur les secrets, les trahisons, l’affection et la persistance rétinienne. Comme si le rôle du cinéma ici était de focaliser sur un microcosme qui devient le reflet tout entier de la société croate et, du coup, mondiale. Comme si le septième art puisait sa force immarcescible dans le plaisir de raconter des histoires, mais surtout de témoigner sur l’Histoire et sur le devenir de la société qui, ici, évolue entre inquiétude, naufrage et pérennité.

Pour ceux que les doubles vies des émissions de téléréalité passionnent, voici un film qui intéressera justement parce qu’il propose la fiction comme lecture possible du réel, en le revendiquant, sans avoir besoin, comme le fait l’actuelle télévision dévoreuse d’intimité, de salir des vies réelles.

Titre original : Neka ostane medju nama

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Durée : 89 mn


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