On l’attendait avec impatience, le premier long métrage de Caroline Poggi et Jonathan Vinel, ceux-là même qui avaient signé le collectif chaud et exalté Ultra rêve (août 2018), avec Yann Gonzales et Bertrand Mandico, et un pacte brûlant (Gonzales et Mandico encore), serment de ne faire que des films « chauds » et enivrés (Cahiers du cinéma n°746).
De cette promesse, il reste seulement l’esprit de gang (déjà à l’œuvre dans Tant qu’il nous reste des fusils à pompes (2014)). Avec sa combinaison noire kick-ass, Jessica, guerrière magique aux yeux bleus scintillants, lutte contre des drones armés pour protéger des orphelins ayant commis les pires atrocités. Installée dans un camp militaire improvisé, la bande de gros durs s’entraîne au tir, se muscle, dévore tout un panel de sucreries et pratique la sieste collective. Infantilisation et réciprocité armée sont les seuls mots d’ordre de ce clan armé jusqu’aux dents. Il n’y a que Jessica aux mains de fée pour calmer ces gamins irascibles, déraisonnés, oscillant grosso modo d’une action à une autre (gavage, sieste, entraînement et baston), et butant contre l’espace vide qui les entoure.
Comme dans Tant qu’il nous reste des fusils à pompes (2014) et même After School Knife Fight (2017), Poggi et Vinel (ré)ouvrent un territoire vacant, mélange entre terrain vague banlieusard et nature stérile, sorte d’interstice imaginaire, d’ « ailleurs » , de fable libre où les vivants côtoient les morts, où l’on abolit les règles de hiérarchie des images (esthétique du jeu-vidéo et du clip). Sauf que cette façon d’arborer un hétéroclisme esthétique, et de frotter des affects antinomiques (violence et innocence) ne suffit pas à engrener un récit lacunaire, sans passé, sans motivation profonde. Qui sont-ils, ces jeunes monstres pour qui Jessica donnerait sa vie? Qu’ont-ils fait, contre qui se battent-ils ? Ce territoire où tout est permis, n’explique rien. Tout au plus, un militarisme glaçant incarné dans des bolides aux cervelles impubères qui ont l’air de faire joujou avec de gros engins.
Poggi et Vinel y vont au « feeling », et adoptent la conduite assez naïve de ne s’intéresser qu’aux moments poétiques, qu’aux échappées mélancoliques, et laissent leur récit avancer par à coups et créer tout seul le vibrato.
Maladresse candide de mise en scène qui délivre un ton monocorde déresponsabilisant (scène gênante de l’orphelin tout de muscle hurlant devant une villa que « tout lui appartient », tout en brandissant une kalachnikov).