Hommage à Jean-Pierre Marielle

Article écrit par

A l’annonce du décès de Jean-Pierre Marielle, retour sur la carrière de cinéma de ce grand comédien à travers le Coin du Cinéphile que nous lui avions consacré il y a quelque temps.

Reconnaissable entre tous pour sa stature et sa voix chaude et altière, Jean-Pierre Marielle fait partie des grands comédiens du cinéma français, au même titre qu’un Jean Rochefort ou qu’un Philippe Noiret, avec lesquels il a d’ailleurs été réuni deux fois à l’écran, chez Patrice Leconte (Les Grands Ducs, 1996) et Bertrand Tavernier (Que la fête commence, 1975). Acteur de théâtre passé par le Conservatoire, il n’a dans un premier temps pas fantasmé sur le cinéma, qui lui offrira tout de même des partitions mémorables. Après une série d’apparitions secondaires souvent loufoques auxquels le prédestinait entre autres l’obtention d’un deuxième prix de comédie, il récolte des rôles principaux grâce à Joël Séria, qui trouve en lui son interprète d’élection, dans Les Galettes de Pont-Aven (1975) ou Comme la lune (1976). Marielle y excelle à transcender des dialogues crus ou prosaïques par ses allures d’aristocrate. Dans le même registre poético-scabreux, il sert aussi admirablement l’écriture de Bertrand Blier, comme on peut le voir dans Calmos – datant également de 1976, année faste et charnière pour l’acteur. La participation à des comédies populaires comme celles de Lautner, La Valise (1973) et On aura tout vu (1976), contribuera aussi à sa notoriété.

Près de trente ans plus tard, il tient l’affiche de Faut que ça danse ! (2007), comédie burlesque et musicale de Noémie Lvovsky. Versatile, Marielle s’est également illustré dans un registre plus grave et plus intériorisé, voire plus sombre : on peut s’en convaincre avec Un moment d’égarement (1977) de Claude Berri et le téléfilm La Controverse de Valladolid (1992) de Jean-Daniel Verhaeghe – exemple de son activité importante pour la télévision –, ou encore avec Tous les matins du monde (1991) d’Alain Corneau. Le caractérise également un sens aigu de l’autodérision, comme en atteste le titre de son autobiographie parue en 2010 : Le Grand n’importe quoi. À plusieurs reprises, il a pu se montrer réticent vis-à-vis des récompenses et des honneurs : on aimerait pourtant saluer ici son élégance, sa fantaisie, sa justesse d’acteur et sa poésie, sa voix d’exception et sa relative rareté qui le rend si précieux.

Bonne lecture avant un Coin du cinéphile sur le thème Cinéma et cuisine.

*Jean-Pierre Marielle dans Le Diable par la queue (Philippe De Broca, 1969).

Acteurs :

Pays :


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Autopsie grinçante de la « dolce vita » d’une top-modèle asséchée par ses relations avec des hommes influents, Darling chérie est une oeuvre générationnelle qui interroge sur les choix d’émancipation laissés à une gente féminine dans la dépendance d’une société sexiste. Au coeur du Londres branché des années 60, son ascension fulgurante, facilitée par un carriérisme décomplexé, va précipiter sa désespérance morale. Par la stylisation d’un microcosme superficiel, John Schlesinger brosse la satire sociale d’une époque effervescente en prélude au Blow-up d’Antonioni qui sortira l’année suivante en 1966.

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur décapante

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur décapante

En 1958, alors dans la phase de postproduction de son film et sous la pression des studios Universal qualifiant l’oeuvre de « provocatrice », Orson Welles, assiste, impuissant, à la refonte de sa mise en scène de La soif du mal. La puissance suggestive de ce qui constituera son « chant du cygne hollywoodien » a scellé définitivement son sort dans un bannissement virtuel. A sa sortie, les critiques n’ont pas su voir à quel point le cinéaste était visionnaire et en avance sur son temps. Ils jugent la mise en scène inaboutie et peu substantielle. En 1998, soit 40 ans plus tard et 13 ans après la disparition de son metteur en scène mythique, sur ses directives, une version longue sort qui restitue à la noirceur terminale de ce « pulp thriller » toute la démesure shakespearienne voulue par l’auteur. Réévaluation…