House of Time

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Sympathique comme une série B, « House of time » est peut-être moins naïf qu’il n’y paraît.

Robert d’Eglantine a des hobbies étranges. Quand d’autres convient leurs amis à une soirée à base d’alcool, de club sandwiches et de playlist Deezer, Robert, lui, préfère expédier ses convives en 1944. Se fiant aux écrits d’un officier allemand passionné de physique quantique, comme lui, et de voyages spatio-temporels, comme lui, le jeune châtelain est persuadé qu’en appuyant sur un bouton à 23h37, un portail s’ouvrira et les propulsera soixante-dix ans plus tôt, jour pour jour. Soit donc en mai 1944. Comme d’habitude dans ce genre d’histoires, le risque le plus important est de bouleverser le continuum spatio-temporel et d’ainsi modifier le futur, et donc le présent. A moins qu’à bien y repenser, le plus grand risque soit en réalité de ne pas revoir 2014, si tant est bien sûr que l’on soit effectivement en 1944.

Depuis la trilogieIndiana Jones (Steven Spielberg, 1981) et Hellboy (Guillermo Del Toro, 2004), on savait le nazi amateur de sciences occultes ; depuis Iron Sky (Timo Vuorensola, 2012) et le mème d’Hitler s’énervant contre tout et n’importe quoi, notamment Nabilla et Justin Bieber, nous avons fait connaissance avec le nazi héros de la pop culture. Méchant par excellence, identifiable au premier coup d’œil grâce à sa panoplie tout à fait cinégénique (merci Leni Riefenstahl), il n’est plus seulement ce personnage dangereux, voire sociopathe, mais aussi objet de comédie et même plus sujet comique. Ce n’est pas nouveau certes, Lubitsch le faisait déjà en 1942 (To be or not to be), mais le phénomène pose tout de même question : Hitler est sur Tinder et son Reich prétendument millénaire sert de toile de fond à un clip de Nicki Minaj. Une mèche, une moustache, du noir, du rouge, voilà à quoi se limiterait le nazisme aujourd’hui pour certaines personnes, quand pour d’autres elle est avant tout un objet de curiosité si ce n’est un sujet de fascination. Les uniformes, les armes, privés de leurs « propriétaires » sont comme privés de leur réalité, et partant, de leur dangerosité mais qu’en est-il lorsque la réalité, justement, reprend ses droits et que l’occupant, en chair et en os, semble être de retour ? C’est, en filigrane, le sujet d’House of Time, premier long métrage de Jonahan Helpert.
 

Un premier long métrage réalisé avec peu de moyens, dans un décor unique, où le voyage se fait sans voiture, sans énorme machine mais simplement en disant « et voilà », retrouvant ainsi un des pouvoirs originels du cinéma qui n’a besoin d’aucune preuve mais simplement d’un peu de croyance. Ce dont manquent précisément les invités de Robert, malgré ses appels répétés à la prudence, bien décidés à savoir s’ils sont de véritables voyageurs temporels ou de simples dindons d’une farce de bien mauvais goût. Mais jeu de rôle grandeur nature ou véritable téléportation, quelle est au fond la différence ? Quand le groupe d’amis ne cesse de louer l’interprétation de ceux qu’ils pensent être des acteurs (de paire avec la qualité de la reconstitution historique) au point de se poser plusieurs fois la question de la véracité des dires de Robert, ce n’est finalement qu’une variation sur le doute concernant l’identité de la personne à qui l’on s’adresse : être résistant était un jeu de rôle ; se méfier de l’autre, le quotidien. Helpert déplace la méfiance et la dissimulation de ces années en incrédulité et en scepticisme, si ce n’est en cynisme.

Moins naïf que sa première partie ne laisse présager, House of Time est un film pour le moins étrange. Film de potes, film amateur, film bis aux dialogues littéraires servis par des interprètes frôlant, par moment, la caricature du cinéma d’auteur français, nous sommes parfois devant ce premier long métrage comme les amis de Robert face à ce glissement temporel se demandant s’ils ne sont pas victimes d’une sorte de blague. Véritable objet cinématographique non tout à fait identifié, House of Time vaut le détour.

Titre original : House of Time

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Durée : 96 mn


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