Hannah Montana

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Cinématographiquement parlant, beaucoup trop de choses à reprocher au dernier blockbuster jeune public « Hannah Montana ». Mais du côté de la sociologie, ce nouveau produit 100% Disney nous donne tout de même l´occasion de nous pencher sur la morale que cette compagnie globalisée prône aux futurs teenagers.

Imaginons une jeune fille de la campagne qui aime chanter les chansons composées par son père musicien. Imaginons que cette famille mono parentale déménage en Californie et décide de lancer la carrière de cette jeune fille, incognito. Disons qu’elle s’en tire très bien, devenant un vrai succès commercial auprès des enfants, tout en gardant sa vie d’avant entourée de sa famille et ses amis, dans son humble demeure de Beverly Hills. Rajoutons à cela le fait que le duo fictionnel père-fille de la série trouve son double dans la réalité, car les acteurs sont aussi père (Billy Ray Cyrus) et fille (Miley Cyrus, ici Miley Stewart, alias Hannah Montana).

Voici les ingrédients de base de ce sitcom, produit dérivé des disques interprétés par Myley Cyrus (trois à l’heure actuelle, tous classés au top des ventes des États-Unis), des concerts qui en découlent, et tout dernier produit Disney : le film sur grand écran tiré de la série à succès.

« Étudiante le jour, popstar la nuit… ». Hannah Montana est un pur produit destiné à un très jeune public, cette histoire faisant appel à la sainte trinité Famille/ Comédie/ Morale en-chantée made in Disney pour captiver des enfants censés grandir au rythme du sitcom. Pourtant, il est curieux de constater que personne ne s’interroge sérieusement sur les fondements de cette morale douteuse, comme si le nom « Disney » donnait droit au plébiscite général.

Le conflit premier de ce film est très riche à nos yeux d’un point de vue scénaristique. On nous présente un personnage principal en pleine crise existentielle : Miley Stewart est en train d’être absorbée par son alter ego Hannah Montana, aux dépens de sa famille et ses amis qu’elle commence à délaisser. Miley en souffre sans pour autant réussir à trouver un équilibre.

La première touche Disney arrive en proposant un père très sage et concerné qui trouve comme solution au problème de sa fille de l’isoler pendant deux semaines dans son village d’origine, à l’occasion de l’anniversaire de sa grand mère. Le but ? Refaire le point entre les deux personnalités de la jeune fille, afin qu’elle organise mieux son emploi du temps. Notre héroïne vient d’être dé-responsabilisée de sa situation. Selon Disney, parce qu’elle a seize ans et non dix-huit ou vingt-et-un, c’est à son père de décider comment trouver un solution à son problème. Heureusement alors que la méthode est plutôt douce…

Après quelques péripéties relevant du déjà vu, la résolution de l’intrigue nous donne à voir une Miley Stewart rétablie et amoureuse – vive la magie du happy-end, nous souhaitons la même chose à Miley Cyrus –, qui bien malgré elle n’a pas abandonné Hannah Montana. Et ce soi-disant pour faire plaisir à son public. Au final, la seule chose qui est ici tirée au clair, c’est qu’il ne faut jamais se travestir lorsqu’on revient à la maison ; c’est à dire que dans l’univers Disney, la schizophrénie est la clé du succès.

Cela peut paraître choquant dans un premier temps, mais en jetant un coup d’œil à toutes les histoires racontées aux enfants depuis les débuts de cette multinationale, notre conclusion tient la route. Pour avoir le droit au happy-end chez Disney, ne mélangez jamais vos personnalités multiples. Ceux qui ne suivent pas cette règle finissent d’habitude très très mal (cf. la terrible fin de la méchante Reine/Vieille Sorcière dans la version Disney de Blanche neige et les sept nains en 1937). Heureusement que les enfants ont le don de vite oublier, et que toutes sortes de conclusions après visionnage sont dirigées systématiquement vers l’inconscient, au grand bonheur des psychanalystes.

C’est ainsi que Disney présente toujours un personnage principal auquel nous devons obligatoirement nous identifier depuis le début jusqu’à la fin du film. Et les astuces scénaristiques pour éviter la déviation sont plutôt assez drastiques et du genre « sois gentil, sinon tu seras écrasé par une pierre ». Chez Hannah Montana nous n’avons de toute façon pas droit à l’erreur. Il n’y a pas de méchants dans ce film, mais des incompris qui guérissent en ralliant l’Axe du Bien.

D’un point de vue strictement cinématographique, aucune nouveauté dans ce film formaté au même degré que la série dont il provient.

Nous tenons tout de même à sauver deux moments. D’une part, une séquence d’introduction très réussie où le mélange entre réel et virtuel dans la diégèse, accompagné des connaissances du spectateur au sujet de Miley Cyrus dans le réel, donne une gamme très ample des variations existant entre fiction et réalité. Il faut dire que la schizophrénie est ici introduite d’une très belle façon.

Par ailleurs, et toujours sur le thème phare du dédoublement, nous remarquons une très belle séquence où Miley et Hannah doivent être présentes dans deux lieux à la fois, ce qui oblige la jeune fille à courir de droite à gauche, en passant sans arrêt à travers une porte à tourniquet. Évidemment, à la fin, elle sera démasquée. Mais le réalisateur Peter Chelsom a choisi de nous montrer ce moment d’une façon très poétique. C’est dans le tourniquet qu’elle est découverte par son amoureux en plein changement, perruque à la main. Un ralenti sur l’image souligne ce moment, reflet d’une situation psychologique fragile. La séquence acquiert d’un seul coup une beauté surprenante.

La comédie musicale Hannah Montana n’apporte pas grande chose à ce genre défraichi. Nous regrettons en plus le besoin d’ancrage dans le réel d’une situation aussi délirante que celle de l’héroïne Myley Stewart, défaut qui ne se retrouve pas dans le sitcom, car celle ci a parié fort sur l’absurde et le comique de cette histoire. L’adaptation sur grand écran n’est donc pas très réussie, ce qui n’empêchera pas le film de faire un nombre d’entrées satisfaisant aux yeux des comptables de chez Disney.

Titre original : The Hannah Montana - The Movie

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Durée : 103 mn


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