Falafel

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Un premier long métrage, une réussite totale. Michel Kammoun a toujours rêvé de faire du cinéma et son film en est la preuve. En même pas une heure et demie, caméra au poing, il nous livre un portrait désenchanté d’une certaine jeunesse libanaise.

Habitués à la violence, à la difficulté politique et sociale qui empêchent de vivre vraiment, les jeunes errent dans la ville comme de modernes vitteloni. Toufic déambule entre sa famille, ses amours et ses espoirs, pendant toute une nuit d’été à Beyrouth. Il y rencontre un cuistot qui fait frire des falafels, et qui lui raconte une légende qui n’est pas sans évoquer la pluie des crapauds de Magnolia, de Paul Thomas Anderson. En plus optimiste, et pourtant presque toujours aussi biblique.

Le jour où les falafels tomberont tout chauds, tout rôtis sur la Terre, peut-être y aura-t-il enfin de l’espoir. Est-ce ainsi qu’il faut interpréter la fin du film, dans cette burlesque mise en scène du premier homme dans l’espace menacé, sauvé (?) par un falafel géant, semblable à un astéroïde, censé nous anéantir..? Le falafel, nourriture orientale faite de farine de pois chiches frite, donne son titre au film, d’ailleurs, c’est dire qu’il est le personnage principal au même égard, ou presque, que le beau Toufic au charme charismatique, que PPP aurait d’ailleurs pu choisir pour interpréter le rôle du Christ. « Le falafel, explique Michel Kammoun dans le dossier de presse, ne serait plus la bouffe du pauvre, mais une philosophie dans la vie. Une douceur aigre et piquante. Une comédie dramatique et décalée dans ce pays excentrique qu’est le Liban. [Le falafel évoque aussi] des moments de magie qui vous marquent sans que vous ne puissiez les capturer. »

Quinze ans après la fin de la guerre civile, il y a toujours un volcan endormi prêt à se réveiller à chaque coin de rue, et c’est cette violence inhérente à toute destinée humaine, et plus particulièrement dans ces zones du Moyen-Orient, qu’il faut s’employer à éradiquer, à neutraliser si l’on veut enfin parvenir au bonheur. Si le réalisateur, qu’on aperçoit d’ailleurs un instant dans son film, dans le rôle du propriétaire du restaurant de falafels, parle de "nuit initiatique et décisive", c’est parce que son héros, Toufic, y fera le rude apprentissage du passage de l’enfance à l’âge adulte, avec retour à l’enfance. Toufic, jeune et beau garçon de vingt ans, semble heureux dans sa famille, sort entre amis, est amoureux, mais il semblerait qu’il ait du mal à se stabiliser car la violence est partout, insidieuse et menaçante.

Pour preuve, les toutes premières images du film, où on le découvre en scooter alors qu’il circule dans le bon sens, et qu’un conducteur engagé en sens interdit le menace violemment. La nuit se poursuivra avec deux points d’orgue : la violence d’un homme qui l’accuse à tort pour (encore une fois !) une question de voiture éraflée (comme si la voiture était devenue au Liban aussi, prétexte à machisme et violence, objet attesté de richesse et de pouvoir), puis le désir de vengeance qui va ensuite conduire Toufic à se procurer une arme à feu. Comme s’il sortait de l’enfance, pour commettre l’irréparable, comme s’il encourageait la violence inhérente à ce peuple sans cesse au bord de la guerre civile, il sera sauvé par un enfant, son petit frère qui, sans le vouloir, sans le savoir, le protègera et l’obligera à rester dans le cadre protecteur de la famille. Toufic et son petit frère, endormis comme des enfants sans père, finiront de traverser cette nuit qui aurait pu être meurtrière et c’est tant mieux, semble nous dire Michel Kammoun : «Toufic n’ira pas au bout de son désir de vengeance. Le moment n’est pas encore arrivé pour qu’il perde totalement son innocence. C’est un film sur le désir d’espoir… »

Titre original : Falafel

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Durée : 83 mn


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