Ensemble nous allons vivre une très, très grande histoire d’amour…

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Une fois encore, Pascal Thomas choisit de se tourner vers le passé. En l’occurrence, le roman photo des années 50, 60, à l’italienne. Hommage ou parodie ? De décalages en rebondissements vieillots, le burlesque, cette fois, ne fonctionne pas.

L’on conçoit aisément que l’époque actuelle, cupide voire brutale, déplaise à l’aimable Pascal Thomas, cinéphile et sexagénaire enjoué, dont nombre de films, en effet, sont tournés vers le passé. Comme en état de fuite. Jusqu’aux adaptations récentes, et malicieuses, d’intrigues signées Agatha Christie, dans lesquelles critiques et public se sont lovés éperdument, d’ailleurs. L’on veut bien, aussi, prolongeant cette logique, que le cinéma, parfois, épouse idéalement la forme du rêve, ses bizarreries comme ses secrets. Encore faut-il que ce songe soit inspiré. Et que ces retours en arrière, soit disant burlesques, ne se figent pas dans le chromo. Quand bien même il s’agirait, à travers eux, de faire acte de résistance (par exemple contre la folie numérique…) ! Or, malheureusement, Ensemble nous allons vivre une très très grande histoire d’amour… se regarde avec le sourire un peu gêné que l’on accorde à un vieil oncle farfelu, gentiment paillard, mais essentiellement radoteur.

La bonne blague ? Ben non… Ce n’est pas que les intentions du nouvel opus de l’auteur des Zozos soient déplaisantes. Bien au contraire. Revisiter le roman photo, à travers une histoire d’amour aussi intense que contrariée, voilà qui n’est pas nouveau, évidemment, mais peut prêter à sourire, tandis que défilent tous les ingrédients propices à la plus riche des dramaturgies (les rencontres, le poids du hasard, la passion, les serments, les départs, les trahisons, etc). Un peu de fraîcheur dans un monde de brutes : c’est dans doute ce que s’est dit Pascal Thomas, qui s’applique à nous transporter dans une utopie spatio-temporelle, un paradis d’avant la chute, flirtant (sa génération oblige ?) peu ou prou avec les années 50/60 (décors, costumes, langage châtié). Pour sûr, on est loin de Transformers et autres Avatar ! A noter, au passage, que l’on ne saurait lui reprocher, en creux, une quelconque dérive nostalgico-idéologique, tant il s’emploie à identifier cette innocence au travers de stéréotypes ! De toute évidence, le cinéaste et ses comparses s’amusent. Transposant, tels de vieux garnements gourmands, un scénario écrit à l’origine par Age, Scarpelli et Risi.

Décalages

Nanti de ses coscénaristes habituels (François Caviglioli, Clémence de Biéville), Thomas assume donc d’emblée, et manifestement, cette fantaisie décalée : le film s’ouvre ainsi sur des rencontres folkloriques au beau milieu d’une campagne estivale, inondée de blonde lumière, là même où se découvrent, quasi en état de choc, nos deux tourtereaux rougissants. On pourrait tout aussi bien être dans une comédie italienne, sentimentale et pastorale, des années 60. Plus tard, tandis que les malentendus s’amoncellent, de même que les nuages, nous voilà projetés dans un Paris automnal puis hivernal, toujours aussi fictif, atemporel et léger. Une galerie de personnages, littéraires, secondaires quoique théâtraux (Guillaume Gallienne en tailleur sourd-muet, mari cocufié, tire l’ensemble à la fois vers Feydeau mais aussi vers le Harpo des Marx Brothers) animent quelque peu cette trame narrative forcément mincissime.

Et puis ? Et puis… l’on s’ennuie. Parce que l’histoire n’est pas très variée, toujours prévisible et désuète (le mariage empêché par le père bougon, ou la fiancée répudiée parce qu’elle aurait fauté, autrefois, avec un bellâtre). Parce que le ton hésite entre la fougue littérale et l’ironie distanciée : du coup, ballotés, un peu gênés, on ne rit quasiment jamais. Parce que le rythme du film, de toute façon, en dépit des pseudo-rebondissements scénaristiques, est atone, voire inexistant. Et parce que le choix d’un casting a priori audacieux (des comédiens issus de la scène classique et Julien Doré, la révélation de "La nouvelle star", le télé crochet de M6) se révèle finalement maladroit.

Pascal Thomas semble pourtant fasciné par son chanteur. Et en effet, puisqu’il fait, ici, ses débuts d’acteur, cela aurait pu ajouter à la candeur de son personnage. Son petit accent nîmois, sa tendresse frêle, son regard bleuté quoique narquois : pourquoi pas ? Le souci, c’est qu’il compose, physiquement, un couple bien mal assorti avec Marina Hands, jolie femme accomplie, sensuelle, tandis qu’il ne dégage que pâleur, adolescence et fragilité. En outre, la palette de jeu de cette comédienne, issue, comme Gallienne, de la Comédie française, son intensité, son sens de la nuance, écrasent quelque peu sa présence chétive, comme en retrait (il n’est pas mauvais, cela dit, mais éteint). Tout concourt, au fond, à faire de ce film effectivement décalé, pour de bonnes et de mauvaises raisons, une facétie vieillotte. Pas méchante, mais pas très intéressante non plus.

Titre original : Ensemble, nous allons vivre une très, très grande histoire d'amour...

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Durée : 90 mn


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