Deux soeurs pour un Roi

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Une fresque sur l’Angleterre du XVIème siècle dans laquelle décors et costumes somptueux se mettent au service d’une distribution à la hauteur de l’Histoire.

Adapter un roman au cinéma n’est pas chose facile. Qui plus est, lorsqu’il s’agit d’un roman historique. Deux sœurs pour un Roi retrace le parcours de Mary et Anne Boleyn, sœurs ennemies rongées par l’amour qu’elles portent pour le même homme.

Au début du XVIème siècle, la cour d’Angleterre est dans la tourmente : l’absence d’héritier mâle se conjugue avec l’impossibilité pour la Reine Catherine d’enfanter. C’est à ce moment que les sœurs Boleyn font leur apparition. Tout d’abord Mary, la cadette, partagera la couche du Roi. Mais c’est Anne qu’Henry VIII épousera après l’annulation de son premier mariage.

Scarlett Johansson campe une Mary toute en douceur et en subtilité. Sa grâce et son élégance transpercent l’écran et apportent un voile de sagesse dans un univers royal fourbe et mesquin.  La caméra glisse sur elle comme les évènements dans son existence. Celle qui au départ apparaît comme la plus fragile sera la clef des tourments. Mary incarne l’enfant blond et naïf oublié par l’ Histoire : dans l’ombre de sa sœur, elle brille pourtant par ses tenues souvent ornées de dorures.
La brune Natalie Portman, machiavélique et fourbe, apporte au personnage d’Anne une tendresse puérile et capricieuse. Cette jeune femme est prête à tout, au plus extrême et aux pires trahisons. Elle arpente les couloirs du château dans un jeu incessant de cache – cache avec le Roi. La caméra parfois peine à la suivre :  Anne a toujours une longueur d’avance. Elle anticipe les réactions d’autrui et prévoit tout jusqu’à l’obsession.
Ces caractères si différents et pourtant complémentaires s’éveillent aussi dans la relation que chacune développe avec le Roi. Mary sera toujours une confidente et une femme de confiance là où Anne ne sera que la traîtresse manipulatrice. Mais chacune s’unira malgré tout à l’autre dans un but commun : il faut absolument assurer l’avenir et la descendance. Pas facile de naître femme en ce temps. Scarlett Johansson et Natalie Portman incarnent à merveille ces sœurs ennemies et transcendent avec passion ce lien du sang indéfectible.

Entre rivalité et complicité, les sœurs Boleyn incarnent ainsi toute la complexité des relations familiales, dans lesquelles l’amour côtoie parfois la haine. Souvent un échange de regards remplace quelques mots, et l’histoire n’en prend que plus d’intensité. Ainsi la relation entre Mary et Anne oscille dans une dualité bien – mal  appuyée par une mise en scène complexe et riche.

Difficile défi pour le réalisateur Justin Chadwick : la fresque historique comporte son lot de pièges. Et pourtant le pari est gagné : le film est une vraie réussite qui aiguise la curiosité. Plus encore. Son souvenir, cet inconscient du cœur, est comme le bon vin : avec le temps, il devient succulent.

Titre original : The Other Boleyn Girl

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Durée : 115 mn


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