Des Vents contraires

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« Des Vents contraires » renoue avec un des thèmes chers à l’auteur de « Je vais bien ne t’en fais pas » : la disparition d’un proche.

Paul Anderen, écrivain en mal d’inspiration qui peine à finir son roman, voit sa vie basculer subitement le jour où sa femme disparait mystérieusement. Ce dernier va devoir faire fi de ce changement brutal et du vide insoutenable qui en découle, se rapprochant de ses deux enfants  en tentant de reconstruire une nouvelle vie dans sa Bretagne natale.

Le film de Jalil Lespert dispose d’une maturité hallucinante qu’il gagne au fur et à mesure que l’histoire avance, un peu à l’image du personnage, brisé et immature, interprété par Benoit Magimel. Adapté du roman éponyme  d’Olivier Adam – déjà auteur entre autres de Poids léger et Je vais bien ne t’en fais pas (adaptés également au cinéma) – Jalil Lespert fait de Des Vents contraires un film remarquable d’intensité émotionnelle sans jamais tomber dans le pathos ni dans le misérabilisme. En effet, malgré un postulat de départ des plus sinistres, dès qu’une scène semble s’apparenter à un déballage outrancié de bons sentiments, le film parvient à se distancer avec justesse tout en évitant le lacrymal facile. Pourtant, le réalisateur de 24 mesures choisit de mettre au premier plan les relations de son personnage principal avec son entourage, priorisant l’itinéraire du drame familial à celui du questionnement esthétique, au détriment de l’intrigue policière assez vite expédiée et laissée au second plan (davantage présente dans Je vais bien, ne t‘en fais pas). Le film est tellement axé sur la vie des protagonistes que l’origine de la disparition de la femme de Paul, Sarah, est mise à l’écart et sert de prétexte.

Le jeu des acteurs, convaincant et mis en avant, est sans nul doute dû au fait que Jalil Lespert est avant tout un acteur avant d’être cinéaste. L’essentiel du film repose donc sur la relation d’un père avec ses deux enfants après la disparition tragique de sa femme et sa reconstruction, sa renaissance grâce aux autres. A partir de ce canevas, Jalil Lespert compose un tableau morne sur les conséquences qu’engendre l’absence d’un proche (la disparition de la mère et de l’épouse, le fils que le personnage de Ramzy est condamné à ne plus voir…) Les autres personnages que Paul trouvera sur sa route, représentent autant de miroirs et reflets de sa propre sensibilité et personnalité. Chaque personnage secondaire a, en effet, lui aussi son propre combat à mener afin de tenter de bannir ses propres démons.

 

En somme, Des Vents contraires ne s’essouffle à aucun moment, laissant affleurer une violente effervescence prête à jaillir d’un moment à l’autre comme retenue par les vagues. Jalil Lespert parvient à faire de ce film une oeuvre somme toute sincère et touchante, non exempte de tendresse, d’émotion, ni d’humour, et son expérience confirmée de comédien propose assurément une démonstration éminente de direction d’acteurs mais limite les prises de risques formelles, qui manquent pour en faire un grand film.

Titre original : Des vents contraires

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Durée : 101 mn


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