Dealer

Article écrit par

Dérive brutale dans le monde de la dope et du manque d’amour.

Un film à la Bullhead

La Belgique frappe encore un grand coup avec ce film flamand tourné surtout nuitamment dans la belle et sauvage ville d’Anvers. On entre de plain-pied dans ce film violent, qui vous balance un uppercut dès le début et qu’on n’oublie pas facilement tant le sujet et son traitement sont dérangeants. Il s’agit du premier long-métrage de Jeroen Perceval acteur, scénariste, réalisateur et rappeur belge. En 2011, grâce à son rôle de Diederik dans Bullhead de Michaël R. Roskam nommé aux Oscars, il se fait connaître du grand public et remporte un Ensor (César flamand) du meilleur second rôle masculin. Il est auteur de nombreux clips musicaux et d’un court-métrage, August, en 2014 pour lequel il remporte divers prix dans des festivals et notamment le Grand Prix National au Festival du court-métrage de Bruxelles. Ce film Dealer rappelle certes l’atmosphère fiévreuse de Bullhead notamment, surtout par les éclairages nocturnes qui font luire le pavé humide des ruelles anversoises, lumière due à David Williamson, avec une musique à la fois électrisante et magnétique de Stijn Cole.

Un portrait réaliste

Dealer – tout est dans son titre en effet – ne vous laissera pas indifférent certes. Dès les premières images, le tout jeune dealer, Johnny, vous touche et ne vous quitte plus. Jusqu’au bout, on le suit dans ses dérives nocturnes pour livrer de la came, lui qui semble être encore un enfant, délaissé par sa mère, une plasticienne toxico, alcoolique et qui fait de fréquents séjours en HP. Johnny recherche le père qu’il n’a jamais connu jusqu’à ce qu’il se lie avec un grand acteur vieillissant, drogué et caractériel, qu’il va suivre presque jusqu’au bout. Le but du film n’est pas de faire du sensationnel, ni du pathos. De son propre aveu, Jeroen Perceval veut alerter les spectateurs sur le manque d’amour dans notre monde moderne complètement à la dérive. On pourrait dire que, hormis son aspect de thriller, Dealer est un film sur le manque, non pas de dope (il y en a à foison qui circule dans tous les sens), mais d’affection et de repères, ainsi qu’il le fait observer dans la note d’intention du film : « Je voulais montrer l’importance des personnes qui vous entourent pour grandir, mais aussi que l’absence de modèles forts et inspirants peut conduire à se perdre. Un manque d’amour et de liens familiaux chaleureux peuvent conduire à une perte de l’estime de soi et conduire à faire les mauvais choix. Le film est brut, c’est un choix conscient. Je voulais présenter un portrait réaliste – mais aussi nuancé – d’une ville comme Anvers, sans fioritures, sans trop enjoliver. »

Des acteurs étonnants

C’est un film brut et brutal en effet qui fera sans doute sensation à sa sortie et il repose bien évidemment sur l’interprétation des quatre personnages principaux. Au premier titre, l’acteur qui interprète Johnny, Sverre Rous, qui a à peine 17 ans, lycéen et étudiant en théâtre à la Kunsthumaniora d’Anvers. Il porte le film aidé en cela par sa mère à l’écran, Veerle Baetens, actrice et chanteuse flamande ; Ben Segers, fondateur de la compagnie de théâtre Olympique Dramatique et Bart Hollanders , époustouflant dans le rôle d’un impitoyable chef de gang, sadique, tatoué et toxico. Une descente dans l’enfer de la drogue certes, des milieux interlopes aussi, mais surtout un réquisitoire contre le manque d’amour subi par les jeunes et les enfants de nos jours. « Je suis convaincu que l’art et le théâtre peuvent aider les gens à s’échapper du monde dans lequel ils sont coincés, écrit encore le réalisateur dans la note d’intention du film. J’espère que Dealer vous fera voir les choses de manière nuancée et vous montrera à quel point un foyer est important pour les jeunes. »

Réalisateur :

Acteurs : , ,

Année :

Pays :

Durée : 104 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

L’étrange obsession: l’emprise du désir inassouvi

L’étrange obsession: l’emprise du désir inassouvi

« L’étrange obsession » autopsie sans concessions et de manière incisive, comme au scalpel ,la vanité et le narcissisme à travers l’obsession sexuelle et la quête vaine de jouvence éternelle d’un homme vieillissant, impuissant à satisfaire sa jeune épouse. En adaptant librement l’écrivain licencieux Junichiro Tanizaki, Kon Ichikawa signe une nouvelle « écranisation » littéraire dans un cinémascope aux tons de pastel qui navigue ingénieusement entre comédie noire provocatrice, farce macabre et thriller psychologique hitchcockien. Analyse quasi freudienne d’un cas de dépendance morbide à la sensualité..

Les derniers jours de Mussolini: un baroud du déshonneur

Les derniers jours de Mussolini: un baroud du déshonneur

« Les derniers jours de Mussolini » adopte la forme d’un docudrame ou docufiction pour, semble-t-il, mieux appréhender un imbroglio et une conjonction de faits complexes à élucider au gré de thèses contradictoires encore âprement discutées par l’exégèse historique et les historiographes. Dans quelles circonstances Benito Mussolini a-t-il été capturé pour être ensuite exécuté sommairement avec sa maîtresse Clara Petacci avant que leurs dépouilles mortelles et celles de dignitaires fascistes ne soient exhibées à la vindicte populaire et mutilées en place publique ? Le film-enquête suit pas à pas la traque inexorable d’un tyran déchu, lâché par ses anciens affidés, refusant la reddition sans conditions et acculé à une fuite en avant pathétique autant que désespérée. Rembobinage…