D’après une histoire vraie
Article écrit par Anne Milojevic
Rien à voir.
D’après une histoire vraie n’échappe pas au cadre de la re-présentation formelle, celle de convertir en images une oeuvre littéraire originale, qui suscite pourtant déjà à elle seule par la lecture des images mentales. Qu’est-ce que l’adaptation si ce n’est l’appropriation d’une oeuvre et sa traduction dans un autre langage, ici cinématographique. Si l’on parle de simple conversion, c’est que le film ne propose pas d’autre prisme de lecture, pas d’ouverture, et transpose sans trop y toucher, le squelette et la peau de l’oeuvre originale dans le tissu filmique.
Si l’on sent l’ironie glacée faire vibrer un peu le film (voix lugubre et cliché du personnage d’Elisabeth – Eva Green très appuyé), celle-ci s’épuise à lui donner un peu de rugosité. Il faut dire qu’elle s’est installée trop tôt dans quelque chose, sans qu’on puisse l’en retirer ni la voir évoluer dans l’espace mental sur lequel son personnage est pourtant censé jouer. L’espace architectural enfonce le film d’autant plus dans son enlisement atone et désespérément lisse (le rapprochement lent et ennuyeux vers la page blanche de l’artiste vidé, le personnage de Delphine / Emmanuelle Seigner pas très fouillé) et il devient indispensable de déplacer l’action ailleurs (les deux femmes prenant des vacances dans une maison isolée). Mauvais chemin qui bloque dans l’inextensible une action morne qui aurait bénéficié d’avantage de souplesse pour s’élancer franchement dans le burlesque. A Cannes déjà, Polanski parlait d’un tournage condensé (pas assez de temps pour les répétitions). Il manque de la matière pour élargir le film, l’ouvrir davantage.
En lui donnant une traduction visuelle impersonnelle, on dirait que Polanski n’aime pas l’oeuvre originale; soit celle-ci ne l’a pas du tout inspiré, soit il n’a jamais été aussi brillant dans la dérision (le sujet du film étant l’usurpation d’une oeuvre par un autre – imaginaire ou réel.). Alors, serait-ce la copie conforme du vide? Le film n’existe pas. Rien à voir.