Un trio masculin qui convoite l’exclusivité sentimentale d’une seule femme. Ainsi pourrait se résumer en toute simplicité l’histoire de Celle que j’aime, le dernier film d’Élie Chouraqui. Mais il ne s’agit pas de plusieurs amants s’arrachant les faveurs de la belle. Isabelle (Barbara Schulz) est une jolie trentenaire, indépendante et drôle, vivant seule avec son jeune fils Achille (Anton Balekdjian), sous le regard affectif et protecteur du papa et ex-mari Jean (Gérard Darmon), tout en cachant avec plus ou moins de tact un nouvel amoureux, le séduisant Antoine (Marc Lavoine). La situation se gère donc plutôt pas mal dans une forme de non-dit (ne rien dire ici ce n’est pas mentir !), mais les problèmes vont survenir lorsqu’Achille aperçoit Antoine quittant à moitié nu la chambre maternelle.
À partir de cet instant, le gamin, prêt à tout pour garder auprès de lui sa maman chérie (terrible période œdipienne…), se prend au jeu de la manipulation machiavélique afin d’éradiquer ce monstre d’Antoine. Sous le regard presque approbateur de son père, Achille ne manquera pas d’imagination et rien ne sera assez cruel, de la tentative d’empoisonnement à la fausse agression, en passant par des indices évoquant une éventuelle tromperie avec la baby-sitter. Le pouvoir est à l’enfant. Pour preuve (presque trop évidente) : d’emblée le film débute par la voix off de l’enfant devenu adolescent vantant les nombreuses qualités d’Isabelle, sa maman. Cette comédie romantique pâtit en effet de ses nombreux indices scénaristiques, permettant presque à chaque plan de laisser deviner le suivant.
La trop importante multiplication de rebondissements, parfois invraisemblable voire grotesque, et une esthétique acidulée propre à un certain style de cinéma français, laissent malgré tout éclater la qualité des trois comédiens principaux. Gérard Darmon fait du Darmon, ce qui en soit est déjà fort appréciable, à côté d’un Marc Lavoine particulièrement habile, tous deux jouant avec ironie sur l’aspect féminin de chacune de leur personnalité. Barbara Schulz, grandie par ses expériences théâtrales, côtoie élégamment sa masculinité en la camouflant dans un gant de velours ! Une certaine forme de modernité tentant d’échapper au machisme primaire de la société contemporaine tout en ne tombant pas dans un féminisme extrême. Les trois acteurs arrivent à se détacher avec talent de la simplicité émotionnelle engagée par la bande son, tout en mettant en perspective les quelques répliques sanglantes constituant les grands moments de rire de ce long métrage. De bons éléments permettant ainsi d’oublier les lacunes et de ne garder que le meilleur : celle qu’ils aiment.