Bosta l’autobus

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Libérer le Liban du fardeau de son passé, l’affranchir d’un carcan traditionaliste qui nie toute expression de l’individu. Ouvrir ce pays au monde, tout en respectant ses racines culturelles. L’engager sur la voie de la modernité et de la diversité sans pour autant faire péricliter ses particularités culturelles. Faire de la nouvelle génération le relais […]

Libérer le Liban du fardeau de son passé, l’affranchir d’un carcan traditionaliste qui nie toute expression de l’individu. Ouvrir ce pays au monde, tout en respectant ses racines culturelles. L’engager sur la voie de la modernité et de la diversité sans pour autant faire péricliter ses particularités culturelles. Faire de la nouvelle génération le relais d’un souffle porteur d’espoir et de vie. Montrer au monde entier que les choses peuvent bouger, que l’on peut faire évoluer les mentalités.

Bosta est donc porteur d’un message que l’on ne peut qu’admirer. L’idée du road-movie musical était à ce titre très intéressante, puisque le car, à travers son trajet, métaphorise un voyage cathartique et initiatique (comprendre la mémoire du Liban pour mieux s’engager sur les chemins de la modernité). L’itinéraire effectué par le personnage principal, amené à exorciser le souvenir de la mort de son père, est à l’image de tout un pays : non pas faire table rase du passé, mais enfin l’accepter et l’assumer pour se tourner vers l’avenir. Aux confluents de toutes les questions, se trouve donc celle de la mémoire : le film a alors le mérite de montrer que la ligne entre l’impératif devoir de mémoire et le repli sur un passé aliénant est parfois ténue. En d’autres termes : comment faire du passé une force et non une faiblesse ?

Après quinze ans de séparation, sept vieux amis se retrouvent et écument les villes dans leur vieux taco pour proposer leur spectacle : une chorégraphie de Dabké modernisée. La Dabké est une danse libanaise traditionnelle. Attention, au Liban, on ne plaisante pas avec la Dabké, rite codifié, symbole de toute une tradition, porteur d’un sentiment d’appartenance culturelle fort. Pourtant, nos héros se sont mis en tête de mettre en scène une chorégraphie de Dabké sur des rythmes techno ! On comprend bien le propos : la « nouvelle » Dabké résume à elle seule le message du film : non pas oublier la tradition, non pas se placer en position de rupture, mais proposer quelque chose de novateur, capable de fédérer les énergies et de réconcilier les générations.

La toile de fond était donc très prometteuse. Restait encore à la tisser avec finesse et intelligence. Or, c’est bien là que le bas blesse. Philippe Aractingi, qui a produit, écrit et réalisé le film, est loin, très loin de convaincre. Bosta est une sorte de transposition des comédies musicales « made in Bollywood » : gentil, mais niais. Alors il sera toujours possible de passer outre les grotesques séquences musicales (couleurs agressives, gros plans sur des pieds et des nombrils, arrêts sur images et ralentis en pagaille), qu’on qualifiera au mieux de sympathiques. Mais pourra-t-on passer sous silence le navrant schématisme qui nous est imposé ? Les oppositions frontales sont incroyablement simplistes : d’un côté les vieux, de l’autre les jeunes, d’un côté les femmes, de l’autre les hommes.

Deux séquences clefs traduisent cette direction voulue par Aractingi : la première voit nos « petits jeunes », tout de blanc vêtus, en train d’effectuer leur chorégraphie de Dabké techno ; ils sont rejoints par les tenants de la Dabké traditionnelle, des vieux habillés en noir, mais encore bien énergiques pour leur âge ; le ballet se met en place, ça saute dans tous les sens, les corps se mélangent puis fusionnent, et la séquence musicale s’achève sur un plan aérien, avec en incrustation, bien en évidence, le ying et le yang ; ça sent presque le message à caractère publicitaire : « La Dabké, une danse nommée désir ».
La seconde séquence met en scène un des protagonistes se réconciliant avec son père, sous les conseils avisés de ses amis : « Non ! Je ne veux pas y aller ! » « Mais si, vas-y, après il sera trop tard pour lui dire que tu l’aimes ! » Notre bonhomme s’exécute : gros plan sur des visages embués par les larmes, embrassade, et les violons qui jouent leur air de réconciliation. C’est si facile de s’aimer.

Reste à dire à quel point cette histoire en forme de conte est prévisible (les jeunes sont hués, puis adulés), et combien les raccourcis scénaristiques (en particulier la « love story ») sont énervants, et on aura une idée de Bosta : un film qui a le grand mérite de proposer un message fort et peut-être même indispensable. Mais la manière avec laquelle il l’expose est tellement grossière qu’elle en devient rédhibitoire.

Titre original : Bosta

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Durée : 111 mn


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