Un cauchemar éveillé
L’action se situe dans un cottage anglais où est réuni un petit groupe de convives. Parmi eux, un architecte du nom de Walter Craig prétend connaître la suite des événements de la soirée car il les aurait déjà vécu plusieurs fois en rêves. D’abord peu crédibles aux yeux de tous, les propos de Craig prennent de plus en plus d’épaisseur au fur et à mesure que les évènements annoncés s’enchaînent, entrainant ainsi chaque invité à confesser une histoire étrange qui l’a concernée directement. Le cinéma des années trente et quarante a convoqué à maintes reprises le motif du cauchemar pour faire resurgir les traumatismes effrayants de l’inconscient, à l’instar d’Hitchcock et de Lang. Dans Au coeur de la nuit, plus » le psychanalyste de service » tente d’imposer sa rigueur scientifique plus l’irrationnel s’impose. Une des grandes forces du film réside dans son refus du spectaculaire, dans sa volonté de réduire les effets spéciaux au strict nécessaire. Ce refus d’une surenchère visuelle permet à l’œuvre de rester tout aussi troublante plus de soixante-quinze ans plus tard. Contrairement au pitch promotionnel qui accompagne le film, il ne s’agit pas d’un voyage nocturne aux confins de l’horreur mais d’une forte incitation à accepter la part d’étrange qui survient dans nos parcours de vie. La dimension cathartique du fantastique se déployant au travers des différents récits des personnages.
Poupées russes So British
Séduisants sur le papier, les films à sketches souffrent trop souvent d’une qualité hétérogène. Ici, les opus de Cavalncanti, Critchon, Hamer et Dearden se délectent avec le même plaisir jusqu’au point de rendre invisible les coutures. Changements de point de vue mais surtout une exploration d’une partie du spectre du cinéma fantastique. On y retrouve un vision littéraire, classique de la figure du revenant; La Fête de Noël est hanté par l’esprit de La tour d’écrou (Henry James) et Le miroir hanté modernise Le Portrait de Dorian Gray. (Oscar Wilde), Le cocher du corbillard est une adaptation d’un texte d’ E.F. Benson. Le Mannequin du ventriloque surprend par son audace, ce récit de marionnette diabolique a du surement inspiré Magic ( Richard Attenborough, 1978). Quant à la légèreté de La Partie de golf n’a rien a envié à celle de L’esprit s’amuse (David Lean, 1946). Cette œuvre est finement manufacturée par les ambitieux studios Ealing qui avaient pour projet de réduire l’hégémonie des majors hollywoodiennes à la fin des années trente. Le petit livret et les bonus qui accompagnent les DVD et Blu Ray permettent d’apprécier avec encore plus d’acuité cette petite pépite du cinéma britannique.