American Honey

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Prix du jury au festival de Cannes, un road-movie social et sensuel, dont la linéarité pèse quelque peu sur la longueur.

Dans Fish Tank (2009), récompensé à Cannes, la caméra d’Andrea Arnold suivait pas à pas la rébellion de Mia, une adolescente rebelle de 15 ans, jusqu’à sa décision finale de prendre la route pour quitter son foyer familial et son Angleterre natale. Le relais est repris aujourd’hui par Star (Sasha Lane), la fougueuse et imprévisible héroïne d’American Honey qui va devoir assumer sa liberté nouvelle. En prenant pour cadre l’ouest américain, la réalisatrice anglaise introduit un souffle supplémentaire dans son exploration. Les grands espaces confèrent une dimension mythique au récit, Star et ses compagnons Beatniks s’imposent comme les dignes héritiers des héros de Jack Kerouac. Pour cette nouvelle génération sans attaches, la route est peuplée de rencontres, d’amour, de violence, de désillusions et d’espoirs.
 


Les oubliés

Andrea Arnold s’est inspirée d’un phénomène dont elle a pu observer le quotidien en suivant pendant des semaines des jeunes gens qui quittent leur foyer pour la première fois afin d’adopter le mode de vie de vendeurs itinérants. Le groupe est composé de jeunes filles et de jeunes garçons provenant de divers horizons. Si chacun d’entre eux tient à affirmer sa singularité, tous revendiquent leur appartenance au peuple américain, sans omettre la soif de réussite financière. Ils constituent l’avenir, le miel de l’Amérique, « American Honey », le tube de Lady Antebellum constituant leur hymne de ralliement. Cette diversité se retrouve au niveau casting, composé essentiellement de comédiens amateurs que la réalisatrice a rencontrés durant son Road-Trip de préparation de tournage.

Le Midwest est une région dont une grande partie de la population est trop souvent stigmatisée, présentée comme réactionnaire. Le tableau sociologique d’Arnold possède le grand mérite de ne jamais s’abriter derrière une quelconque forme de « prêt à penser » caricatural qui pollue malheureusement un trop grand nombre de métrages contemporains prétendument réalistes. Quelque soit le statut (cow-boys, femmes au foyer, ouvriers..) des personnes rencontrées, la réalisatrice prend le temps de laisser émerger une réelle complexité humaine. Probablement consciente que sa démarche documentaire et son souci d’exhaustivité entraînent le scénario dans un schéma répétitif, Andrea Arnold n’hésite pas à interrompre inopinément certaines scènes, laissant libre cours à l’imprévisibilité des personnages.
 

L’éveil

L’étude sociologique se double d’un récit initiatique. Trouver sa place dans le groupe, construire sa propre technique de vente, Star va d’abord passer par une longue phase d’écoute et d’observation avant de libérer sa parole. Les réactions, les moindres détails significatifs, rien n’échappe aux réflexes spasmodiques de la caméra. Dans sa volonté d’intimité, le cadrage n’hésite jamais à affleurer les chairs des jeunes amants passionnés que sont Star et Jack (Shia Labeouf). Le choix du format 4/3 pour la prise de vue accentue ce sentiment de promiscuité. Une héroïne en quête permanente de sensibilité : observer les mouvements du ciel, profiter de la douceur des éléments, chaque trésor de l’environnement légitime de longues et fréquentes pauses poétiques dans le récit.

La recherche permanente d’un équilibre entre l’onirisme et le réalisme social, une discontinuité, souvent brutale dans la nature des points de vue, Andrea Arnold ne manque ni de singularité, ni de maîtrise technique pour ne pas mériter quelques louanges. Les limites de l’auteur apparaissent cependant dans sa tendance à répéter des procédés qui perdent de leur impact dans un récit qui fait trop souvent du surplace, tant au niveau du scénario que de ses enjeux axiologiques. Quelque peu gênant pour un film dont la durée atteint les 2h40. Un air de déjà vu d’autant plus problématique pour les spectateurs qui ont déjà goûté aux mêmes recettes de mise en scène dans Fish Tank.

Titre original : American Honey

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Durée : 163 mn


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