A genoux les gars

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Les films parlent de plus en plus ouvertement de sexe, mais pas de manière aussi raffinée que le dernier opus de Desrosières, avec ses marivaudages.

Une sextape rocambolesque

Après un moyen métrage, Haramiste, en 2015, Antoine Desrosières semble avoir trouvé sa voie et ne lâche pas la tchatche de ses protagonistes. En effet, il revient à la charge avec un long métrage aux faux airs de Marivaux, entre La commère (1741), Le petit maître corrigé (1734), La fausse suivante ou Le fourbe puni (1724) et, bien évidemment, Le jeu de l’amour et du hasard (1730). Les puristes se demanderont bien pourquoi pareille filiation, mais ceux qui auront vu les deux films ne se poseront même pas la question. On retrouve les deux mêmes jeunes filles, toujours sœurs, dans une situation rocambolesque qui en dit long sur les rapports filles/garçons dans les banlieues et que toutes les missions et autres textes de loi ne parviendront jamais à transformer. Il s’agit ici d’une histoire bâtie par les protagonistes du film à partir d’improvisations, ainsi que le raconte Antoine Desrosières, et se basant sur un fait réel. Deux jeunes de banlieue, comme on dit de nos jours, courtisent et séduisent nos deux sœurs à la langue bien pendue.


Les filles ne comptent pas pour des nulles

À l’occasion du départ momentané de l’une d’entre elles, les deux garçons pas très futés et un rien machos en profitent pour faire peser sur la sœur qui est restée un chantage plus charnel qu’affectif qui leur permettra de s’octroyer quelque petite privauté presque « à l’insu du plein gré » de la principale intéressée. On frôle le graveleux, voire l’obscène, même si cet univers souvent dur et sans âme est en partie dédramatisé par la verve insouciante et inventive de tous ces acteurs, au départ non professionnels, qui émaillent leur propos d’invectives, de jurons, de « frère » mal approprié, mais surtout d’une invention linguistique proche de la prosopopée. Tout cela serait bien triste si, les réseaux sociaux mettant dans cette histoire leur grain de sel et de sex(tape), la situation ne se retournait pas en faveur des deux jeunes filles qui, comme dans une comédie de Marivaux, vont parvenir à piéger les deux godelureaux qui en seront pour leurs frais. S’il va sans dire que ce dernier festival de Cannes s’est montré hypocritement féministe, accusant les violeurs tout en continuant d’exhiber stars et starlettes à moitié dénudées sur le tapis rouge mité par les concessions, À genoux les gars devient a contrario l’exemple même du film militant, féministe, parce que, justement, il tente (et réussit plus d’une fois) à installer la libération féminine dans son propos, dans son humour et dans sa chute qui en fait une sorte de Cukor des banlieues.

 

À genoux les gars, une chanson oubliée (1)

Outre le talent des cinq acteurs et actrices du film, à la fois très concentrés et très décontractés, notamment dans les scènes dites de sexe, à la manière de la jeunesse actuelle qui veut rire et sourire de tout, le film d’Antoine Desrosières est plus qu’une comédie, il se présente comme un témoignage, agréable à voir et à écouter, de l’état actuel des relations homme/femme, vieilles comme le monde et qui perdurent et s’adaptent malgré les ratiocinations des politiques et des médias. Ainsi le vœu du réalisateur, tel qu’exprimé dans le dossier de presse du film, pourrait se réaliser : « D’un point de vue cinéphile, j’espère avoir fait un film suffisamment différent et jouissif pour qu’il reste un témoignage marquant d’aujourd’hui. Et d’un point de vue citoyen, j’aimerais qu’il serve de support pour créer des débats. »

(1) A genoux les gars. 1965. Anne-Marie Vincent. Paroles : Bob du Pac. Musique : Jean-Loup Chauby.

Réalisateur :

Année :

Genre :

Durée : 98 mn


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