30ème Festival du court métrage de Clermont Ferrand

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Du 1er au 9 février 2008, Clermont Ferrand fête l´anniversaire de son impressionnant festival de courts-métrages ! Focus sur l´entrée dans l´âge adulte du plus grand festival des << petits films >>…

Parfois, il faut bien le dire, il est légitime de se réjouir de l’exception culturelle française ! Polémiques, problèmes et vigilance à part, on ne peut pas rester indifférent au fait qu’une petite ville 350 000 habitants parvienne à attirer l’équivalent d’ un tiers de sa population (133 000 spectateurs en 2007) dans ses salles en proposant les travaux courts des cinéastes pour la plupart complètement inconnus ! C’est le fruit d’une osmose entre le territoire et les opérateurs culturels, qui se manifeste d’abord dans le fait que si on débarque à Clermont- Ferrand pendant le festival, on ne peut pas le rater ! Affiches, panneaux, banderoles : le rôle que fût jadis celui des fêtes religieuses est pris aujourd’hui par le 7ème art, qui catalyse une ville pendant dix jours, du boulanger au maire, autour de la Maison de la Culture !

Certes, on est loin des charmes du début, des pionniers qui osèrent porter en montagne, loin des initiés et des cinéphiles parisiens, les premiers essais courts des réalisateurs. Le festival de Clermont est réputé, cité sur Variety parmi le 50 meilleurs festival du monde, et bénéficie du soutien de partenaires de luxe qui sont prêts à investir argent et énergie pour dénicher les talents de demain. Toutefois, Clermont ne cède pas aux tentations du succès et continue à garder intacte son exigence, qui se reflète dans un choix de film vaste et courageux, laissant sa place à des travaux exigeants et parfois dérangeants. Mais le public est fidèle et curieux, constituant la marque de fabrique d’un festival qui malgré tout ne cherche pas à caresser le goût du public mais à l’orienter. Bien sûr on pourra toujours tomber sur un programme de cinq ou six courts hermétiques et bricolés en numérique ;il sera nécessaire de faire preuve d’un peu de compréhension et de pas mal de patience. Mais au fond, pourquoi ne pas titiller un peu les spectateurs ?

On ne pourra pas ici traiter en détail les 79 films de la compétition internationale, ni les 59 de la sélection française, ni encore les 42 de la section labo, ni les dizaines d’autres films que les spectateurs auront eu la chance de voir ! On en choisira 3 qui nous ont plu, marqué, captivé, en essayant de leur donner l’espace et l’attention que l’on donne normalement aux longs, en espérant que vous puissiez revoir ces films dans d’autres festivals, rétrospectives, ou faute de mieux, à la télé, dans ces programmes nocturnes pour les cinéphiles qui se couchent tard…

Giganti – Fabio Mollo – Centro Sperimentale di cinematografia –Roma – Italia – super 16 – 24′

Le film de fin d’études du jeune réalisateur italien Fabio Mollo séduit d’emblée le public, le premier samedi soir de compétition. Tiré d’une nouvelle d’Andrea Paolo Massara, Giganti frappe par la force de sa dramaturgie et la maturité de la mise en scène.

Pourtant le sujet est sûrement délicat : le quotidien d’un jeune homme dans le Sud de l’Italie, confronté à une mentalité conservatrice et étouffante, au poids de la tradition, à la détresse de la monotonie et, bien sûr, à la mafia. Comment tenir tout ça en 24 minutes à peine ?

Certes le défi est difficile, mais Fabio connaît bien son objet. Aucun de ses plans ne semble porter en lui le film entier, comme en germe, et le temps, ainsi rempli de sens, semble pouvoir se prolonger. Ce qui surprend le plus, c’est la faculté du cinéaste à restituer le Sud de l’Italie à travers des touches rapides, brèves, légeres mais extrêmement précises. Il lui suffit de cadrer les fleurs rouges d’une cour aux murs blancs, la chaise en ombre d’une vielle dame assise au balcon ou la poussière qui se lève du terrain de football : tout y est. Sans un mot il arrive à saisir le poids de la chaleur estivale ; la place vide du village vue depuis les marches de l’église ; la petitesse d’un lieu qu’on embrasse dans un seul plan la nuit, quand tout dort. Et comme chaque lieu ainsi que chaque moment du film étonne par sa justesse. Il suffit, là aussi, de peu, la finesse du regard de Fabio faisant le reste : le protagoniste ajuste fièrement le col de son polo avant d’aller à la fête du village ; un ami lui explique en deux mots ce qu’il « faut faire avec les femmes », regardant la mer assis sur le rebords d’une bateau à sèche…

Voilà ce que le cinéma apporte au texte, et voilà pourquoi on parle d’une frappante maturité de ce jeune réalisateur de 27 ans. Ne pas saisir la richesse de ces plans, leurs couleurs, la manière dont ils portent dans la salle la lumière âpre du midi, et l’on se priverait de la force de ce film. Le récit est quant à lui assez classique et plutôt bien ficelé. Fabio ne craint pas les références, les symboles, les allusions (pourtant nombreuses) mais sait s’en servir, le faire entrer en résonance, comme le prouve la scène magnifique de fête du village. Là, le découpage dessine un véritable danse entre les statues des Géants, les personnages et le mafieux perdu dans la foule, et la tension monte au son des tambours traditionnels et des feux d’artifices qui couvrent le bruit des balles : de la maîtrise du rythme.

Parfois, le film paye le prix d’une voix off un peu trop présente et un peu trop explicative (la fin en ce sens nous laisse quelques doutes), des quelques plans « utiles » à l’intrigue, d’une musique qui, même si très juste, parfois se fait un peu trop entendre. Mais Giganti au moins aura su échapper à la rhétorique bien-pensante du reportage en proposant une intrigue fictionnelle, un récit, des choix formels affirmés. Et c’est par là force créatrice de la fiction, qui arrive à restituer un morceau, soit-il minuscule, incomplet, parcellaire, de la vie de ces gens dans ces lieux. Ce n’est qu’un premier film, et il a de la gueule et du talent : c’est déjà une remarquable. En attendant le long métrage …

A l’occasion du Festival de courts-métrages de Clermont-Ferrand, revenons sur "Mains propres, savon sale", un film en compétition.

Mains propres, savon sale (Clean hands, dirty soap) de Karim Fanous, avec Sherif Farahat et Farah Youssef. Egypte. 2007. 25′

Hadi est un employé modeste, préposé aux toilettes d’une boîte de nuit au Caire. Aux Etats-Unis, prétend-il, il serait considéré comme un raté au plus bas de l’échelle sociale, comme le dernier des hommes. Hadi, pourtant, n’en a cure : il est respectueux, élégant, méticuleux et toujours très attentionné avec sa mère malade, chez qui il rentre après le travail pour jouer de la cithare.

Une rencontre inattendue vient alors bouleverser la vie du jeune égyptien. Trouvant, par hasard, l’adresse d’un cabaret, Hadi découvre un soir l’envers de son décor quotidien, ce qu’il n’est pas habituellement autorisé à voir. Là, il assiste au numéro hypnotisant d’une jeune danseuse dont il tombe instantanément amoureux, mais il ne parvient à se résoudre à l’aborder. La situation se débloque lorsque subitement sa mère décède : libéré de tout engagement, Hadi, beaucoup plus sûr de lui, finit par attirer l’attention de la fille – à moins que… toute cette histoire ne soit le fruit de son imagination débordante.

Mains propres, Savon sale n’est pas une chronique sociale. Le court-métrage ne cherche pas à donner une image exacte ou même réaliste de ce jeune homme qui vit de très petits boulots. La réussite du film tient à ce que le réalisateur, justement, ait choisi un ton burlesque et décalé pour traiter son sujet. Le personnage de Hadi, bien loin d’inspirer la pitié, est à l’origine en réalité d’une bonne dose d’humour. Il ne s’agit pas pour autant de tourner le protagoniste en dérision mais de faire partager les aventures rocambolesques que son assommant travail lui inspire.

Accompagné d’une musique originale et captivante qui mélange le jazz à la musique traditionnelle, le film de Karim Fanous affiche une mise en scène riche, subtile et soignée et parvient ainsi à assumer sa propre légèreté de ton.


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