« Il a l’air gentil le rouge. L’autre, il est moins mignon. Il a une grosse tête. »
On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille. Malheureusement, on choisit pas trop non plus son enfant adopté. Lemercier exploite à merveille l’irrévérence de la situation et l’amoralité du sentiment. Ce qui normalement est tu et culpabilisateur est ici énoncé et vécu ouvertement. Bien loin de se limiter à la relation parent/enfant, cela déborde sur une large partie des personnages du film : des relations du couple lui-même, de la responsable de l’adoption à la belle-mère qui fait ressurgir le fantôme colonial de la France… Tous, personnages et acteurs, sont au cordeau. Mais le film pâtit de cet étalement. Autant l’excellent Palais Royal (2005) se voyait ciblé et resserré sur son personnage féminin de princesse au faux grand cœur, les péripéties hautes en couleurs des personnages secondaires rejaillissant directement sur elle, autant 100% cachemire peine à former un tout et tient parfois plus de l’agrégat d’idées et de saynètes (souvent fort bonnes au demeurant) qui ne se rencontrent que mal. La description du milieu de la mode, brillante et percutante en soi (la scène de choix de la couverture), se lie difficilement au récit principal. Il en va de même pour certains personnages secondaires (l’assistante feignasse par exemple), drôles, mais qui apparaissent comme un surplus inutile. 100% cachemire manque d’unité et de cohérence – à se demander si les bons choix ont été faits. A commencer par le titre qui tire le film du côté du décalque parodique du Diable s’habille en Prada (2006), ce qu’il est en partie, mais en partie seulement, le milieu de la mode n’étant clairement pas son sujet.
Mais c’est surtout la fin qui vient étrangement souiller un film jusqu’alors inégal, mais vraiment séduisant. L’angélisme ne sied pas à Valérie Lemercier. Elle s’illustre mieux dans la description des travers humains des personnages (les leurs, les nôtres). Il pourrait, pour le spectateur, y avoir un plaisir malsain à jouir de la méchanceté ou l’amoralité des personnages mis en scène si Valérie Lemercier ne leur portait pas une affection réelle. La réalisatrice aime à décrire des monstres enrobés de velours, séduisants, voire séducteurs. Mais il ne s’agit que d’un masque pour les rendre socialement acceptables, une apparence qu’on a tôt fait de mettre à jour. Ici, dans un virage – compréhensible vu le sujet – mais absolument pas négocié, les consciences se réveillent et l’amour est plus fort que tout, y compris les problèmes administratifs et la crédibilité scénaristique. Alors qu’elle s’employait à systématiquement déjouer nos attentes en allant toujours plus loin dans l’inacceptable, Valérie Lemercier change son fusil d’épaule et se prend les pieds dans le tapis. Tellement mal à l’aise avec la situation et ce scénario qu’il faut bien boucler, elle ne parvient plus à mettre en scène correctement. Ramassis de clichés, mièvre à l’écœurement et pas drôle, il faut essayer d’oublier cette ultime séquence pour pouvoir apprécier un peu 100% cachemire.