1880, le Nouveau-Mexique. Temple Jeffords (Walter Huston) règne en despote sur un immense domaine baptisé « Les Furies ». À sa mort, la propriété devra revenir à sa fille Vance (Barbara Stanwyck). En ramenant de San Francisco une intrigante, Flo Burnett (Judith Anderson), Jeffords installe la discorde dans la famille, Vance et Flo se vouant une haine farouche, au point que la première défigure la seconde en lui jetant une paire de ciseaux au visage. Chassé par son père, Vance n’entend pas en rester là. Redoutant que son héritage lui échappe, elle manœuvre si bien avec l’aide d’un banquier amoureux d’elle (Wendell Corey) qu’elle prend possession des Furies…

Les Furies (The Furies,1950) d’Anthony Mann constitue l’un des trois premiers westerns tourné cette année-là par un réalisateur davantage réputé pour ses films noirs ou ses comédies musicales que pour ce genre cinématographique (citons notamment Two o’clock courage en 1945 ou T-Men deux ans plus tard). Des trois westerns de 1950 : La Porte du diable, Les Furies, et Winchester 73, ce dernier reste le plus célèbre et considéré comme le plus important, malgré de nombreuses qualités inhérentes aux deux autres longs-métrages, formelles ou au niveau des sujets abordés. Dans cette optique, une réhabilitation des Furies apparaît comme nécessaire, d’autant plus que Sidonis-Calysta nous propose désormais ce long-métrage dans une édition de référence.
Les Furies : un titre qui renvoie aux Euménides, déesses infernales de la vengeance présentes chez Eschyle dans sa trilogie tragique L’Orestie. Les tensions entre membres d’une même famille, la notion de vengeance, la violence latente, des rapports parfois troubles entre fille et père. Un domaine dont l’appellation symbolise parfaitement les liens entre les personnages. Dans ce territoire aux tensions en gradation, évoluent ainsi des personnages campés par des actrices habituées à incarner des characters bien trempés : Barbara Stanwyck (sa filmographie cinématographique et télévisuelle en atteste), Judith Anderson (Rebecca), Belulah Bondi (Lifeboat), face à des comédiens certes de qualité mais de moindre stature ou au jeu moins empreint de modernité tels Gilbert Roland (un habitué des westerns), Walter Huston (Le Trésor de la Sierra Madre) ou Wendell Corey (La Furie du désert). Un casting volontairement mis en place, dans ce long-métrage où les personnages féminins dominent les autres personnages et l’écran ? Et ce, à une période où dans d’autres films d’action ou des westerns des femmes dynamisaient et régentaient des bandes de outlaws ou de cowboys comme dans Johnny Guitar ou Quarante Tueurs ?

Parmi les autres qualités du film, nous apprécions, grâce à la version restaurée de cette édition, la photographie en noir et blanc de Victor Milner (qui collabora avec Henry King, André de Toth, Cecil B.DeMille, ou encore Ernst Lubitsch), qui met en valeur la mise en scène originale d’Anthony Mann alternant intérieurs et vastes extérieurs, scènes d’actions et instants de tensions. La musique de Franz Waxman (Boulevard du crépuscule) s’attache à mettre en valeur ce film dont le scénario signé Charles Schnee (La Rivière rouge) aux chemins multiples peut désorienter l’amateur de western classique. Au-delà d’une histoire de vengeance et de revanche, des micro-récits s’intercalent, notamment ceux de la monnaie territoriale des Furies, des scènes nocturnes avec le bétail, ou des conversations amoureuses. Des détours, que d’aucuns considèrent comme des digressions, mais que nous pourrions estimer comme des pauses éclairant la ligne narrative principale de ce film.
Western alliant classicisme et modernité, Les Furies constituent, dans cette édition de référence, une somptueuse ode au cinéma de patrimoine.

Les Furies Édition Collector Limitée Combo Blu-ray DVD.
1 Blu-ray BD-50 région B Full HD 1080p AVC + 1 DVD9 + 1 livret 60 pages.
Image restaurée au format 1.37, dans un splendide noir et blanc.
Durée cinéma 110’ environ (sur Blu-ray). Son DTS-HD Master Audio 2.0 Mono VOSTF + VF d’époque.
Suppléments vidéo : présentation par Olivier Père (2025, durée 25’) et Jean-François Giré (2025, durée 12’ ), et Entretien avec Anthony Mann (GB 1967, durée 17’, VOSTF).
Un livret de 60 pages de Jean-François Giré : un livret riche en illustrations, mais aussi en textes exceptionnels, par exemple l’entretien accordé par Anthony Mann à Claude Chabrol et Charles Bitsch, publié dans les Cahiers du cinéma numéro 69 de mars 1957, ou un accompagnement bio-filmographique bienvenu et des analyses précieuses.
Présentation par Olivier Père (2025, durée 25’) : des points d’analyses de grande pertinence, variés, grâce auxquels le cinéphile se remémore ou place le western selon Mann dans sa filmographie.
Présentation par Jean-François Giré (2025, durée 12’) : une synthèse qui reprend le contenu du livret, menée avec dynamisme.
Entretien TV BBC avec Anthony Mann (de la BBC TV, durée 17’) : un entretien mené par la BBC avec Anthony Mann durant le tournage de son dernier film. Un document rare, exceptionnel. Peu avant sa disparition, le réalisateur répond aux questions du journaliste avec passion, et citant Murnau, Shakespeare au cours de cet entretien.




