White Building

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La fin d’un monde, la disparition d’un immeuble délabré et le début d’une jeune vie ?

Un immeuble en plein coeur de Phnom Penh

En comparant ce film à Gagarine, film français de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh sorti en 2020, on pourrait arriver à envisager deux manières de décrire la fin d’une époque à travers la destruction d’une barre d’immeuble. Gagarine envisage cette disparition sous un angle à la fois poétique et socio-politique, compliquant son propos en y mêlant le rêve d’un jeune résident qui voudrait, comme Youri qui lui a donné son nom, devenir astronaute. White Building, en revanche, reste au cœur même de l’immeuble qui va disparaître, en fait presque un personnage à part entière et le filme du point de vue d’une famille dont le père, artiste, tombe malade et représente la fin d’une époque cambodgienne qui a pourtant traversé bien des misères. Et c’est ce qui fait sa force.

 

Une époque disparaît avec lui

Cela ne veut pas dire que, en comparaison, le film français ne soit pas intéressant mais il se perd dans divers points de vue alors que le film de Kavich Neang se concentre sur son propos et n’en sort pas. D’ailleurs, comme il le confie dans le dossier de presse du film, ce White Building a bien sûr existé tout autant que le cité Gagarine d’Ivry-sur-Seine et il est même l’épicentre de ses souvenirs apparaissant dans ses premiers courts-métrages et documentaires. « C’est là où je suis né et j’ai grandi, déclare Kavich Neang. C’était un immeuble unique qui était devenu emblématique d’une époque qui disparaît. On y vivait en communauté, des peintres, des musiciens, des couturières, la porte ouverte sur le couloir. Il y régnait une atmosphère spéciale qui m’a fait grandir en tant qu’artiste. Plus jeune, j’ai commencé par y faire de la danse traditionnelle avec l’ONG Cambodian Living Arts (CLA), puis j’ai rejoint leur petit studio d’enregistrement où j’ai appris à prendre le son, le montage vidéo, et j’ai commencé comme ça… »

 

Objets inanimés avez-vous une âme ?

« Objets inanimés avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? » On pourrait reprendre ici cette lancinante et poétique question de Lamartine tant l’immeuble y est bien décrit et filmé sous tous ses angles, dans sa décrépitude mais aussi dans ses moments d’apaisement mélancolique avec le soir qui tombe et avec les après-midis de sieste solitaire alors que la brise légère fait voleter les rideaux de tulle. Du coup, ce n’est plus un taudis qui est amené à disparaître mais l’âme même de ses habitants qui, même s’ils seront un peu indemnisés, perdront beaucoup de leur vie, de leurs souvenirs, de leur être même. Là où Gagarine se perd en voulant jouer sur tous les terrains, White Building reste sobre et réaliste, ce qui lui confère encore plus de force et de mélancolie. A la manière du personnage principal, le jeune Samnang, l’ambiance du film devient de plus en plus grave, voire triste, quittant les joies des promenades en moto et des rires entre copains pour se recentrer sur la perte, la maladie et la mort qui pointe son nez. Cette mélancolie diffuse tire son origine du plus profond des souvenirs du réalisateur, tant et si bien que nous ne sommes pas étonnés que le jeune Samnang soit décrit comme son double. En effet, il déclare dans le dossier de presse  : « Le personnage principal du jeune homme, Samnang, est mon double, mais un double inversé. Il observe la situation, mais n’est pas passif, il pose des questions, et tente de se faire entendre. Le personnage du père ressemble au mien. Dans le film, son orteil s’infecte à cause du diabète. C’est ce qui s’est passé pour mon père dans la vraie vie. Comme beaucoup de Cambodgiens, il n’avait pas confiance dans les médecins, et il s’est entêté avec des remèdes naturels au miel ou au tamarin, avant d’être amputé… Quant à la mère, elle ressemble aussi à la mienne. »

 

Titre original : Bodeng Sar

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Durée : 90 mn


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