En adaptant La petite-fille de Menno de Roy Parvin, Claude Miller peut broder sur son thème favori : le poids (toujours très lourd) du passé sur le présent. Ici c’est le souvenir de Vic, grand artiste comique (ouais…) qui va envahir le film. Envahir, le mot est le bon puisqu’en plus d’occuper l’esprit de deux femmes, ce bon vieux fantôme s’accapare aussi une bonne partie du film. Le va-et-vient entre présent et passé est le maître mot de l’organisation du film dans un montage parallèle que Miller voudrait audacieux – il cite volontiers Godard et Resnais comme modèle – mais qui reste désespérément plat tant sa mise en scène est inepte et paresseuse. Le film confirme la dégringolade du cinéma de Miller entamée ces dernières années, là où jusqu’alors il apparaissait comme un réalisateur certes guère intéressant, mais disons correct. Eclate ici une mise en scène inconsistante surtout remarquable par son absence de cohérence interne, ses plans décoratifs stériles ou aguicheurs et ses acteurs laissés à l’abandon dans un collage de séquences narrativement opérant – l’intrigue doit être résolue, tout doit être expliqué, verbalisé avant de plier bagage – mais n’offrant qu’un film brinquebalant.
De plus en plus, le cinéma de Claude Miller apparaît telle une coquille, lisse et jolie de l’extérieur et désespérément vide à l’intérieur, une sorte de pompiérisme doucereux dénué de recul critique. Entièrement prémâché pour éviter toute digestion difficile, le film finit par ne parler qu’à lui-même, isolé sur scène à la manière de son personnage dans un égocentrisme excluant d’office le spectateur. Derrière une structure faussement complexe, il n’y a aucun wagon à raccrocher et, à la manière de Lise face à Vic, on ne fait que subir outrageusement le film en attendant que ça cesse. Sauf qu’il est assez mal vu de se rouler par terre en tapant des pieds dans une salle de cinéma.