Ville neuve

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Un film d’animation étrange à l’univers sombre très particulier.

Traiter un moment de l’été 1995 en noir et blanc, pour ce court film d’animation, est bien sûr un parti pris revendiqué par le réalisateur qui en est également le scénariste et l’illustrateur. Adapté d’une courte nouvelle de l’écrivain américain Raymond Carver, La Maison de Chef, ce film raconte les retrouvailles d’un couple séparé dans une maison prêtée par un ami au bord de la mer, en Gaspésie. Ce n’est pas un été comme un autre, c’est celui où le Québec se prépare à voter au référendum pour le faire accéder à l’indépendance. C’est dire si la période est sombre, les gens se disputent, se battent, des maisons brûlent, des manifs éclatent un peu partout. Cette séparation de la Belle province du reste du Canada anglophone serait à l’image de la rupture d’un couple, et devient presque métaphorique de ce couple divorcé qui tente de se réunir à nouveau.

 

 

Un graphisme entre clair-obscur et poésie

Le graphisme est très beau, et l’animation réalisée par Hyun Jin Park, Jens Habn, Philip Lockerby, Malcolm Sutherland, Nicolas Brault et Félix Dufour-Laperrière se donne dans une sorte de maladresse voulue qui apporte à ce dessin en encre de Chine sur vélin, en noir et blanc, beaucoup de charme, de mélancolie et d’aplat qui confèrent au film un attrait un peu obscur, comme illustration d’une doublée attente : celle de la renaissance d’un amour, et celle de la renaissance d’un pays. Devant la mer qui n’a pas l’attrait coloré que lui donnent les cartes postales et les publicités pour les voyages, l’homme invite la femme qui consent à le retrouver malgré les réprimandes de son fils qui n’est pas favorable à ces retrouvailles, puisqu’il en veut à son père pour des raisons que le scénario évoque à peine. Mais la magie opère puisque Andreï Roublev de Tarkovski, que la mère a fait découvrir à son fils au début du film, va s’incarner réellement à la toute fin, au moment où, comme dans un rêve, le père grimpe le long du clocher de l’église, le soir du résultat du référendum, pour rejoindre sans le savoir son fils qui y est déjà et pour faire retentir le bourdon de l’église en guise de victoire, de joie et de réconciliation, alors que le non à l’indépendance l’a emporté de très peu.

 

 

Hommage à Andreï Rublev

Ce petit film en dit long sur l’espoir, sur l’amour et sur la manière dont les gens doivent tenter de résoudre leurs conflits et leurs peines. Mais aussi sur l’amour du cinéma et l’impact qu’un film peut avoir sur un imaginaire, et même sur la symbolique d’une vie. « Au-delà du fait qu’Andreï Roublev soit pour moi un film fétiche, étourdissant et bouleversant, j’ai souhaité lui faire un clin d’œil pour les thématiques qu’il aborde, déclare le réalisateur dans le dossier de presse du film. Le sacré et le rôle de l’art, registre supérieur ou métaphysique, viennent ainsi faire écho aux registres intimes et collectifs, individuels et politiques, que le film met en présence. »

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Durée : 76 mn


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