Unveiled (Fremde Haut)

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En nous plongeant dans l’enfer des immigrés, le début d’Unveiled fait très forte impression. Terrible spectacle que cet entassement humain et ces plans d’ensemble qui font penser à des chenils. Car c’est bien à une condition animale qu’est réduite l’héroïne, ainsi que tous ses compagnons de circonstance (hommes, femmes et enfants de toutes nationalités). Parqués […]

En nous plongeant dans l’enfer des immigrés, le début d’Unveiled fait très forte impression. Terrible spectacle que cet entassement humain et ces plans d’ensemble qui font penser à des chenils. Car c’est bien à une condition animale qu’est réduite l’héroïne, ainsi que tous ses compagnons de circonstance (hommes, femmes et enfants de toutes nationalités). Parqués comme des bestiaux, traqués comme des délinquants, ils vivent en cavale, la peur au ventre, l’intimité forcée et la proximité fortuite qui les lient et les rassemblent ne pouvant rien contre le sentiment d’impuissance qui s’abat.

La première partie du film consiste donc en une description d’une grande justesse, qui jamais ne sombre dans quelconque manichéisme, se contentant de relater un problème qui semble dépasser les uns comme les autres. Le réalisme fait résolument penser à un documentaire : images troubles, granuleuses, souvent filmées caméra à l’épaule et parfois prises à la dérobade, comme si elles sortaient tout droit d’un journal télévisé (on pensera notamment à la séquence où le « vrai » Siamak est rattrapé alors qu’il tentait de s’échapper). Le thème de l’immigration est certes vu à travers le regard et la situation de l’héroïne, mais on est loin d’imaginer le (regrettable) glissement qui s’opérera au profit de l’histoire personnelle de la protagoniste, et au détriment d’un regard global et universel sur cette question brûlante de la condition des immigrés.

Puis l’intrigue s’enclenche. Fariba prend l’identité de Siamak pour rester en Allemagne, trouve un travail (illégal) et tombe sous le charme d’une collègue, Anne. Et progressivement, le film perd pied. Il n’y a pourtant pas grand-chose à reprocher à Angelina Maccarone (auteur complet) tant elle continue à nous faire découvrir un monde sombre, glauque et repoussant, parsemé ici et là de lumières symboliquement factices. On notera que l’exploration de la ville (séquence de nuit, en voiture, jouant sur des cadrages brisés et des contrastes visuels appuyés par des couleurs sordides) rappelle étrangement le Taxi Driver de Martin Scorsese.
La cinéaste tente bien également de revenir avec insistance sur la dissolution de la solidarité et l’avènement d’une vision égocentrique des rapports humains, mais en vain, la force qui émanait du début du film s’est évaporée, comme happée par l’insistant appel du destin de l’héroïne.
Le scénario essaie certes de ponctuer le récit de moments forts, mais ce sont autant de coups d’épée dans l’eau, l’intensité baissant peu à peu, séquence après séquence, avant de s’éteindre définitivement lors d’un dénouement qui nous passe quelque peu par-dessus la tête, dans une tentative de « boucler la boucle », de marquer l’intemporalité du récit en montrant que Fariba devra toujours utiliser les mêmes subterfuges, où qu’elle se rende, pour survivre.

Peut-être pourra-t-on expliquer cette déception par le personnage principal, une lesbienne qui se terre et cache son identité (un Boys don’t cry vient alors à l’esprit, définitivement plus bouleversant). Fariba, lesbienne et immigrée, cumule les défauts. Et c’est bien là le problème : le film se perd dans l’enchevêtrement des deux thématiques, toutes deux liées à la question de l’exclusion, menées de façon concomitante, mais situées à deux niveaux fondamentalement différents, si bien que le décrochage vers un cas personnel pose problème. Le mouvement de l’universel au particulier amorcé est discutable, car procède d’une réduction du monde proposé. D’un thème général, actuel et rendu émouvant par le savoir-faire de la cinéaste, on passe à un portrait probablement un peu facile, en tout cas égocentré et ultra prévisible d’une lesbienne qui ne parvient pas à susciter l’émotion, car son drame nous reste étranger. Difficile d’identifier avec certitude les rouages qui ne fonctionnent pas, difficile par exemple d’affirmer que le film manque de finesse ou de maturité. Mais une chose semble sûre : Unveiled perd la force de son propos initial pour ce noyer dans cette « histoire-double » dont on connaît par avance les ressorts de l’intrigue.

Un film qui démarre donc tambours battants, avant de sombrer dans la torpeur et de laisser progressivement un sentiment dérangeant et diffus de confusion des genres, avec pour risque final de mener le spectateur tout droit vers une indifférence totale.

Titre original : Fremde Haut

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Durée : 97 mn


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