Pour garantir le succès du passage de mamie de vie à trépas, toute la famille se mobilise pour retrouver le chaînon manquant de la famille. Un fils caché ? Presque. Sa bobine angélique trône partout sur les murs, au milieu des photos jaunies. On oublie, toutefois, hier est loin, si loin d’aujourd’hui, et les enfants désunis et séparés par le temps vont devoir se résoudre à refaire le chemin à l’envers afin d’obtenir la présence de Dave au chevet de maman (1).
En concentrant son scénario autour d’un chanteur au capital sympathie aussi irréfutable que celui de Mamie Nova, Joël Franka détenait un trésor inestimable. Amoureuse, je ne peux plus me taire(2) : à elles seules, la blondeur et les prunelles azur de Dave arrivaient déjà à ensoleiller une heure et demie d’humour Nuls sur le déclin dans La Cité de la peur (A. Berbérian et A. Chabat, 1994). Loin d’être anecdotique cette fois, sa présence dans Une chanson pour ma mère augurait des plus béates ivresses. Malheureusement négligé dans le paysage cafardeux de la comédie française, le potentiel comique de Dave explose ici littéralement… pour les fans du moins, qui seront ravis de voir ou entendre Dave se faire kidnapper par Sylvie Testud, se retrouver coincé dans la douche, jurer en néerlandais, chanter Vanina dans un camping-car, tourner une publicité pour les pompes funèbres, courir ligoté dans un champ avec un sac de jute sur la tête, ou, plus simplement, prendre un bain moussant.
Monteur de Rendez-vous en terre inconnue, Joël Franka semble s’être contenté de suivre le principe de l’émission en collant la figure médiatique de Dave dans la campagne ardennaise. Et ça marche assez bien, à condition de ne pas investir un film aussi télégénique de trop hautes aspirations dramatiques, appelées par la disparition imminente de la grand-mère. « Une comédie tendre », promettait l’affiche, dans un esprit qui rappelle un peu la vogue aigre-douce de Little Miss Sunshine (J. Dayton et V. Faris, 2006) – la comédie familiale « rire aux larmes » mettant en scène une tribu rapiécée de freaks calibrés pour soigner les complexes du spectateur et le réconcilier avec la vie. Pour cela, il aurait fallu doter les personnages d’une plus forte densité psychologique et réécrire les dialogues, franchement tautologiques. C’est dommage car la troupe, rassemblée autour d’un Dave improvisé en psychothérapeute, comptait quelques spécimens intéressants, comme ce métalleux tatoué de frère moine rendu muet par son vœu de silence. Attendu comme l’ami Ricoré, Dave n’avait plus qu’à s’asseoir dans la cuisine au petit-déjeuner pour satisfaire le réalisateur. C’est très agréable, mais finalement, autant écrire à France 2 pour le voir passer plus souvent dans Télé Matin.
(1) En italique : Du côté de chez Swann de Dave. (2)Amoureux, Dave.
Merveilleusement servi par des interprètes de premier plan (Gene Tierney, Rex Harrison, George Sanders) sur une musique inoubliable de Bernard Herrmann, L’Aventure de Madame Muir reste un chef d’œuvre inégalé du Septième art, un film d’une intrigante beauté, et une méditation profondément poétique sur le rêve et la réalité, et sur l’inexorable passage du temps.
Autopsie grinçante de la « dolce vita » d’une top-modèle asséchée par ses relations avec des hommes influents, Darling chérie est une oeuvre générationnelle qui interroge sur les choix d’émancipation laissés à une gente féminine dans la dépendance d’une société sexiste. Au coeur du Londres branché des années 60, son ascension fulgurante, facilitée par un carriérisme décomplexé, va précipiter sa désespérance morale. Par la stylisation d’un microcosme superficiel, John Schlesinger brosse la satire sociale d’une époque effervescente en prélude au Blow-up d’Antonioni qui sortira l’année suivante en 1966.
En 1958, alors dans la phase de postproduction de son film et sous la pression des studios Universal qualifiant l’oeuvre de « provocatrice », Orson Welles, assiste, impuissant, à la refonte de sa mise en scène de La soif du mal. La puissance suggestive de ce qui constituera son « chant du cygne hollywoodien » a scellé définitivement son sort dans un bannissement virtuel. A sa sortie, les critiques n’ont pas su voir à quel point le cinéaste était visionnaire et en avance sur son temps. Ils jugent la mise en scène inaboutie et peu substantielle. En 1998, soit 40 ans plus tard et 13 ans après la disparition de son metteur en scène mythique, sur ses directives, une version longue sort qui restitue à la noirceur terminale de ce « pulp thriller » toute la démesure shakespearienne voulue par l’auteur. Réévaluation…