Le nom d’Eric Valette n’évoque a priori pas grand chose. Ayant débuté sa carrière comme réalisateur pour les Guignols de l’info ainsi qu’auteur de divers courts-métrages, le cinéaste se fit remarquer en 2003 en signant son premier long, Maléfique. Efficace huis clos horrifique avec Clovis Cornillac et Gérald Laroche, le film fut primé au Festival de Gérardmer (présidé cette année-là par un certain William Friedkin !) et scella la réputation de Valette de « jeune talent à suivre ». Suite à deux longs-métrages réalisés aux États-Unis (One Missed Call et Hybrid) restés inédits en France, il revient avec un thriller politique, Une affaire d’Etat, marquant son retour dans le cinéma hexagonal. Le résultat n’est cependant pas tout à fait à la hauteur de nos attentes, s’avèrant aussi curieux qu’inégal.
Adapté du roman Nos fantastiques années fric de Dominique Manotti et scénarisé par Alexandre Charlot et Franck Magnier (déjà scénaristes sur Maléfique), Une affaire d’Etat affiche l’image d’un thriller nerveux et corrosif dans la veine des Trois jours du Condor de Sydney Pollack ou A cause d’un assassinat de Alan J. Pakula. Mais le film n’a au final que peu à voir avec ces derniers. Relevant davantage de la satire politique et de l’étude de personnages au ton résolument décalé, cette Affaire d’Etat oscille entre le désir de répondre à certaines attentes du public et celui de s’affranchir de l’étiquette de film de genre. Faisant foisonner une multitude de personnages et d’intrigues, le scénario souffre quelque peu d’une surabondance d’éléments, ainsi que d’une certaine mollesse. Manquant parfois de rythme et d’action, le film a tendance à enchaîner les longues scènes de dialogues entre des hommes politiques vêtus de longs manteaux noirs, marchant en complotant à travers de vastes décors parisiens. On regrette cette hésitation de ton et de genre, nous empêchant de comprendre clairement la direction dans laquelle s’engage Eric Valette. Et malgré l’originalité et les bonnes intentions de la partition musicale signée Noko, celle-ci renvoie de manière trop appuyée au western-spaghetti. Omniprésente, elle plombe l’ambiance de nombreuses séquences (notamment celle de la bibliothèque François Mitterrand pour n’en citer qu’une).
On louera en revanche plusieurs qualités manifestes, en particulier l’esthétique du film et la mise en scène de Valette : fluide, maîtrisée et renforcée par une image superbe (tournée en Red one !) signée Vincent Mathias (on attend avec impatience de connaître les futurs projets filmiques que nous réserve le metteur en scène). On citera aussi plusieurs séquences extrêmement réussies et efficaces, telles que la course poursuite finale à Montmartre, la séquence de la gare d’Austerlitz (probablement la plus réussie du film) mais également d’autres scènes, assez incongrues, se focalisant plus exclusivement sur l’émotion des divers personnages, notamment celles faisant figurer les trop rares Thierry Frémont et Gérald Laroche, côtoyant ici André Dussolier, Denis Podalydès et Rachida Brakni (véritable surprise du casting).
À la fois décevant et surprenant, Une affaire d’Etat tangue entre polar d’action palpitant, film d’espionnage lent et bavard et satire décalée. Semi-échec, semi réussite, le film se montre néanmoins intéressant. On souhaite vivement à Eric Valette de demeurer quelques temps encore parmi nous, avant que les sirènes d’Hollywood ne reprennent leur chant.