Thor

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Enième adaptation d’une franchise Marvel, Thor délivre un spectacle franchement fade, à l’esthétique hideuse, qui a au moins le mérite de ne pas se prendre trop au sérieux. Mais que diable est venu faire Kenneth Branagh dans cette galère (viking) ?

Thor inaugure une année 2011 de super-héros qui s’annonce encore très chargée, avec les sorties successives du prequel de la saga X-Men, de Captain America ou encore du Green Lantern de chez DC Comics. Et c’est donc au plus "shakespearien" des réalisateurs qu’incombait la délicate mission de mettre en scène les aventures du puissant guerrier, troisième vengeur de l’univers Marvel à être adapté pour le grand écran après Hulk et Iron Man.

Si on devinait aisément ce qui avait pu intéresser Branagh dans cette intrigue aux allures de tragédie grecque (la réinterprétation de la mythologie nordique, les rapports père/fils, la rivalité entre frères, la déchéance puis la renaissance du Dieu scandinave), le choix du dramaturge anglais pour mener à bien ce film de commande n’en paraissait pas moins saugrenu. La vision du film ne fait que confirmer ce mauvais pressentiment, même si le réalisateur ne saurait être l’unique fautif tant le personnage créé par Stan Lee et Jack Kirby n’est voué qu’à compléter la longue liste de films introductifs à The Avengers (qui sortira en mai 2012). Le metteur en scène soutenait pourtant l’inverse lors de la conférence de presse parisienne (pouvait-il en être autrement…?). "Le film que vous avez vu est celui que je voulais faire. Je n’ai pas eu à subir plus de pressions de la production que lors de mes précédents projets" affirmait-il.

 

Thor
s’articule autour de deux univers distincts. Celui du Royaume mythique d’Asgard d’abord, ses décors clinquants et ses complots familiaux pour récupérer le trône du vieux Odin (impeccable Anthony Hopkins, une des seules satisfactions du film), qui voit s’affronter notre super-héros (l’acteur australien bodybuildé Chris Hemsworth), successeur légitime de son père, et son frère Loki (Tim Hiddleston) qui oeuvre dans l’ombre pour prendre sa place. L’autre partie se déroule sur Terre où Thor se retrouve banni, dépossédé de ses pouvoirs après avoir déclenché une guerre avec les ennemis héréditaires, les géants de glace de Jötunheim et leur roi Laufey. Il y fait la rencontre d’un trio de scientifiques : l’astrophysicienne Jane Foster (Nathalie Portman, dont le charme ne suffit pas à combler le vide béant du rôle qui lui est proposé), le Dr Eric Selvig (Stellan Skarsgard, vu récemment dans la comédie norvégienne Un chic type) et leur stagiaire Darcy Lewis (la ravissante Kat Dennings).

Si Kenneth Branagh s’intéresse davantage au royaume d’Asgard, siège des dissensions familiales divines et théâtre de la seule véritable bataille épique – le comble pour un film censé représenter un dieu guerrier – il ne parvient pas pour autant à instaurer un souffle créatif qui aurait rendu ces destins passionnants, plombé par une esthétique assez hideuse (mention spéciale aux costumes tape-à-l’oeil et au marteau Fisher-Price récupéré pour l’occasion) et des décors kitschissimes confinant parfois au risible. Mais que dire alors du passage de Thor sur notre belle planète bleue (une bonne moitié du film tout de même), qui, à force de grossières carences narratives et scénaristiques, représente un intérêt proche du néant.

Faute de spectacle et de rebondissements, on s’ennuie ferme devant la trajectoire humaine du héros. Seules quelques touches d’humour salvatrices viennent sortir le spectateur de sa torpeur, tant et si bien qu’on finit par avoir la nette impression que le réalisateur lui-même porte un regard détaché, voire amusé sur cette histoire. C’est une chose de ne pas se prendre trop au sérieux (à mettre à son crédit), mais c’en est une autre de reléguer au second plan certains personnages (la présence anecdotique des guerriers Fandral, Hogun, Vostagg et Sif) ou de bâcler plusieurs scènes (comme le combat final raté entre Thor et le Destructeur).

Cette œuvre préparatoire, qui s’avère relativement conventionnelle, semble sortir du même moule que beaucoup d’autres adaptations Marvel, rendant vaine toute tentative d’originalité. À travers cet univers codifié à outrance et ses scripts trop lisses, les films de la franchise finissent par lasser. Et dans le cas présent, le recours à la 3D achève de ruiner le spectacle qu’on était en droit d’attendre. Si une fois de plus le relief n’apporte rien en matière d’effets visuels, bon nombre de scènes sont tellement sombres qu’il faut ôter ses lunettes pour recouvrer la vue et obtenir une bonne colorimétrie. À ce niveau, un non sens artistique aussi aberrant ne relève plus de la faute de goût mais de l’incompétence crasse…

 
 

 
 

 

 

Titre original : Thor

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Durée : 114 mn


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