The Osterman Weekend

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Osterman Week-end est un film de manipulation orchestré d´une main de maître par Sam Peckinpah, ancienne gloire du cinéma des années 70 quelque peu oublié de nos jours. Le dernier opus du natif de Fresno est glacial, désincarné jusqu´à vous en faire hérisser le poil. Cette froideur provient des mouvements de va-et-vient entre les images […]

Osterman Week-end est un film de manipulation orchestré d´une main de maître par Sam Peckinpah, ancienne gloire du cinéma des années 70 quelque peu oublié de nos jours. Le dernier opus du natif de Fresno est glacial, désincarné jusqu´à vous en faire hérisser le poil. Cette froideur provient des mouvements de va-et-vient entre les images télévisuelles et les plans cinématographiques qui irriguent le film. Ces images constituent les charnières narratives sensibles du film car Peckinpah les exploite à merveille dans sa mise en scène et au montage. Elles soulignent l´importance qu´a prise la télévision par rapport au cinéma dans la société. Le virus cathodique gangrène le septième art à travers le grain sale de l´image télé. La contamination s´opère esthétiquement par le choix de couleurs monolithes, désespérément froides, ternes et austères (le marron, le noir…). Elles contrebalancent avec l´esthétique fiévreuse de Sam Peckinpah au début de sa très prolifique carrière avec La Horde sauvage ou Apportez-moi la tête d´Alfredo Garcia.

Il s´agit d´un face-à-face de deux types d´images, de deux << mass media >>, qui est symbolisé par le titre de l´émission présentée par John Tanner, personnage principal du film, FaceToFace. Cet affrontement trouve un écho dans les face-à-face que se livrent les personnages après avoir été convertis par des preuves qui résident dans la captation de la vie : des photos, des montages vidéos. Elles sont sources de menace, de peur et de suspicion. Peckinpah, par ce procédé stylistique, octroie à son film une valeur réflexive : l´image, en tant que telle, est à questionner. Le hors-champ, que Peckinpah prend soin de nous montrer avec des plans des régies de ce qui est montré, est à élucider si l´on veut avoir les cartes pour comprendre ce qu´il se passe, si les personnages sont les pantins d´hommes cachés dans l´ombre ou pas. L´irruption de photos, dans un monde réglé par la technologie, introduit une autre obsession du cinéma du << complot >> : où est le centre ? Comment l´atteindre ? Comment dois-je entreprendre mon travail de recherche pour mener à bien mon enquête ? Comment dois-je creuser, pour ne pas rester à la surface, pour avoir le fin mot de cette histoire ?

Une des réponses que donne le film est de s´interroger sur la possibilité de détournement, à des fins machiavéliques, que peut subir la quotidienneté. A savoir : comment l´image de télévision peut-elle désinformer ? Dans quel but ? Dès lors que le pouvoir, les autorités s´emparent d´un objet qui se veut le microscope de la vie (l´image télévisuelle généralement dans le film), il convient de se méfier du réseau, de la source et de la circulation des informations. Le quotidien devient un calvaire, chaotique, sans repère. Il fait ressortir l´animalité inhérente à chaque être humain dans le but de conserver son territoire vierge de toute agression, ou de le nettoyer des fauteurs de troubles : ainsi, la maison de John Tanner attaquée par les agents du FBI en est la représentation.

Peckinpah reprend un de ses schémas de prédilection : l´attaque d´un lieu par un groupe, comme ce fut le cas dans Les Chiens de Paille, par exemple. La régression vers un stade animal de l´humain trouve une belle manifestation avec les arcs, véritable arme de chasse préhistorique, archaïque et rudimentaire (et sans doute un clin d´oeil à Délivrance de John Boorman) qui viennent faire irruption dans un monde technologique et mortifère. Le cinéma, et c´est en cela qu´Osterman Week-End capte notre attention, n´a que trop rarement poussé aussi loin l´idée de piratage et d´interférence, de violence physique, psychologique et morale à l´écran.

Dès lors qu´un meurtre est commis, la violence devient objet de consommation, divertissement supplémentaire aux yeux du spectateur et pour le spectateur. L´homme devient une machine imparfaite (comme le dit si justement le professeur de karaté de Bernard Osterman). Cependant, Peckinpah nous interpelle directement, en nous laissant seuls maîtres de notre décision. La fin du film est explicite : nous sommes libres d´éteindre notre télé pour ne pas nous abreuver de ce nouveau divertissement basé sur la destruction de l´être et la lobotomisation des pensées. Cela rejoint la phrase de John Tanner : << Ca s´appelle être programmé >>. Le dernier mouvement de caméra du film, un travelling arrière, prend alors une valeur, une connotation morale forte. Il filme deux chaises vides devant une régie pour chercher à démythifier toute tentative de langage audio-visuel et souligner que tout pouvoir a une face cachée. L´envers d´un décor, le hors-champ de ce qui est agencé pour nos rétines : des images montées entre elles.

Film sur le medium, Osterman Week-end n´en demeure pas moins un film virtuose et jubilatoire, à la mise en scène précise et au montage sublime. La scène de course-poursuite entre John Tanner et l´homme qui a kidnappé sa femme et son fils est magnifique. Peckinpah pulvérise son espace et sa matière filmique pour la reconsidérer et la remodeler en un montage croisé, fait de distorsion de temps et de ralentis, comme il l´entreprit au début de Pat Garrett et Billy the Kid. La dernière oeuvre de cet artiste déchu par les studios et ravagé par la drogue et l´alcool est tout simplement époustouflante.

Titre original : The Osterman Weekend

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Durée : 105 mn


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