Un slasher qui a beaucoup en commun avec Vendredi 13…
Des lumières gialloïques dans un salon baroque bardé de chandelles, des orages dans des vitraux, crachant des éclairs qui se reflètent sur des grappes de crânes posés sur des tables – Force est de l’avouer, la scène d’ouverture de Sweet Sixteen est grasse et gratuitement affriolante, elle nous promet un récit régressif qui devrait faire la part belle à une véritable série noire délicieuse en frissons. Certes, ce n’est qu’un rêve, ou alors une éruption de l’imagination d’une héroïne ingénue qui lit trop de polars, mais le ton est donné, et il paraît généreux et endiablant. Il nous fait penser que ce slasher de Jim Sotos est une friandise mal connue qu’on sera heureux de redécouvrir. Alors, une heure vingt plus tard, ce ton aura bien changé, et on se dira qu’on a moins à faire à une friandise qu’une Halloween-erie contrefaite. Mais les amateurs du genre seront tout de même satisfaits de la trouvaille, et leur curiosité sera assouvie. Dans les grandes lignes, tout du moins.
Quelle est la prémisse de ce film d’horreur petit, mais costaud, anodin, mais lucide sur le devenir de l’épouvante ensanglantée ? Melissa Morgan (Aleisa Shirley) vient d’emménager dans une petite ville avec ses parents, Joanne et John. Énigmatique et mature, Melissa est un bourgeon qui interpelle, dans son nouveau cercle social. C’est une beauté qui mets tout le monde d’accord, du plus dégénéré des rednecks racistes au plus solaire des fils de sheriff, Hank Burke (Steve Antin), en passant, apparemment, par la sœur de celui-ci, Marci (Dana Kimmell), pour qui la démarche de la nouvelle s’accompagne de ralentis sur fonds musicaux. Avec cet emménagement, survient aussi une série de meurtres : Tous les garçons qui s’approchent trop près de Melissa y passent, le rouge sorti de leurs veines maculant des scènes de crime que le héros local, le sheriff Burke, donc, devra élucider. Et bientôt, le 16ème anniversaire de Melissa sera célébré, une date de plus à ajouter sur le calendrier de l’homicide, entre autres Black Christmas (1974), Friday The 13th (1980) et April Fool’s Day (1986).
… Y compris une actrice et un retournement de situation
Qui est l’antagoniste de Sweet Sixteen ? Outre un tueur révélé par un twist faiblard, le méchant du film est le racisme. Venu d’une réserve située non loin de la ville, Jason (Don Shanks) est un natif-américain qui se fait harceler par des piliers de bars, lesquels vont même le traiter de « red scum » et de « red nigger ». Quand le sang se met à couler, on l’accuse, on le dévisage. L’exclamation favorite des personnages du film, « Jesus Christ ! », alors, est plus qu’une interjection qui dénote la surprise. Elle devient une sorte d’incantation, de cri de ralliement lancé avec fierté et défi par des chrétiens qui entendent bien protéger leur sentiment d’Americana à la barbaque. Dans ce film, quand les natifs américains essaient de se mouvoir, ils se heurtent face à la membrane oppressante formée par les préjugés des blancs autour d’eux. Reste au sheriff Burke, « half-indian from my mother’s side » (joué par Bo Hopkins, blond comme les blés et pur fiston de Caroline du Sud), le devoir de défendre une partie de son héritage et d’assurer que le vrai meurtrier soit mis derrière les barreaux. Hélas, cet élément du film, intéressant en soi, est aussi sous-traité que les autres. Il est flaccide, blafard. Le film manque d’un certain punch : On regrette le goût pour le criard qui caractérisait la scène d’introduction !
Sweet Sixteen, comme beaucoup de films qui ne sont pas entrés au panthéon du gore, se regarde le mieux en collection. C’est justement ce que nous permet de faire cette édition chez Rimini ! Sweet Sixteen, volet dans une véritable mode des œuvres sur les psychopathes, se comprend le mieux dans son contexte. C’est celui-ci que retrace le livret de Marc Toullec qui vient avec le film. L’un dans l’autre, le long-métrage sera trop flasque pour plaire en dehors d’un cercle d’ultras et de collectionneurs. Il est néanmoins à retenir pour une bonne idée : À force de suivre avec insistance, fascination le personnage de Melissa, la caméra finit par la capturer sous un autre jour, quand un ralenti semble lui donner un air terrifié, juste avant qu’elle souffle ses bougies. Surtout, il est à retenir pour une série d’éléments qui seront plus tard repris dans des films plus dynamiteux : Marci, fana de livres d’enquêtes, essaie de comprendre le mystère qui la passionne en analysant les codes de son genre de prédilection. C’est une proto-Randy de Scream. Et, obsédé par la vie sexuelle d’une jeune fille, le tueur de Sweet Sixteen offre au spectateur une sorte de brouillon aux évènements de Cherry Falls, un film plus abouti ! Aux non-ultras, et aux non-collectionneurs, on conseillera ces œuvres, plus poussées et plus droites aux but. Et aux amateurs d’horreur non-cinéphiles, sur le sujet de l’intégration des natifs dans ces ruralités en relief, on conseillera le livre The Only Good Indians, de Stephen Graham Jones.