Solo

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Le dernier Star Wars est très naïf. Naïveté qui, paradoxalement, le libère de l’héritage de George Lucas.

Curieux cas que celui de Solo. Le dernier-né des studios Disney cumule les tares habituelles de la franchise : jeu d’acteur plat, mise en scène banale, romance à l’eau-de-rose… Bref, un film qui serait d’ordinaire qualifié d’insipide, sinon de catastrophique. Et pourtant, en dépit de tous ses défauts, Solo apporte quelque chose à l’univers Star Wars revu par Disney : un écart par rapport à George Lucas.

Sortir de l’héritage de Lucas

Les trois précédents films souffraient, chacun à leur manière, de l’ombre du maître. Si Le Réveil de la Force (2015) tirait son épingle du jeu, c’est parce que J. J. Abrams mettait en abyme le culte que lui et les auteurs de sa génération prêtent à Lucas. Premier de la nouvelle saga, il échappait habilement au piège de la redite. Écueil sur lequel échouaient lamentablement les suivants.Rogue One (2016) ne constituait rien d’autre qu’une très longue bande-annonce d’Un nouvel espoir (1977), tandis que Les Derniers Jedis (2017) rejouait à la scène près L’Empire contre-attaque (1980). Bref, à trop vouloir rendre hommage à leur maître Lucas, J. J. Abrams, Gareth Edwards et Rian Johnson n’apportaient aucun sang neuf à un univers vieux de quarante ans.

Et voilà qu’arrive Solo. Une rumeur de navet le précédait. Abandonné en cours de route par ses scénaristes, repris en plein milieu par le fade Ron Howard, le nouveau film avait tout pour se crasher royalement. Effectivement, le film pâtit de ses accidents de production. Outre l’acteur principal (Alden Ehrenreich) qui, trop gentil bad guy, ne se hisse pas à la cheville d’un Harrison Ford à la gouaille légendaire – sans compter Emilia Clarke et Woody Harrelson, perdus dans l’hyper-espace –, il faut ajouter une romance on ne peut plus niaise entre Qi’ra (Emilia Clarke) et Han Solo, qui alourdit le personnage là où l’on attendait de lui l’insolence de la Trilogie originelle.
Et malgré tout, Solo évite de sombrer dans la répétition. Le sujet s’y prêtait pourtant à merveille : la jeunesse d’un personnage iconique appelait à multiplier les références aux films précédents, si ce n’est carrément à en rejouer les scènes cultes. Si Solo se permet de-ci de-là quelques clins d’œil, comme le jeu d’échecs en hologrammes auquel Chewbacca perd toujours, ces derniers demeurent au rang de détails anecdotiques et n’interfèrent en rien avec l’intrigue principale.

 

Un esprit heureusement naïf

Venons-en à celle-ci. Pour la première fois depuis le rachat de la franchise, Disney ose une histoire qui s’affranchit de Lucas. Plus de Jedis, plus de Force, plus d’Empire (ou si peu)… Certes, on retrouve quelques personnages déjà connus (Han, Chewbacca et Lando Calrissian), mais ils se dotent d’une nouvelle psychologie, en particulier le dernier (Donald Glover), qui ne se raccroche pas aux frusques de la Trilogie originelle. D’autres personnages surprenant font leur apparition, telle L-3, un droïde féminin qui lutte pour l’émancipation de ses « compatriotes » et l’obtention de « droits égaux ». Contrairement au Réveil de la Force et aux Derniers Jedis, Solo propose une aventure autonome, dotée d’un début, d’un milieu et d’une fin, qui se regarde pour elle-même. À la Trilogie originelle, elle emprunte des motifs, des personnages et des histoires très secondaires, à qui elle offre un cadre spectaculaire (notamment le mythique Raid sur Kessel, au cœur du film). On pourra la qualifier d’archétypale, de simpliste, de naïve, il n’empêche : elle existe par elle-même.

C’est peut-être la naïveté de Solo qui fait sa force, en même temps que sa faiblesse. Alors que les précédents films s’acharnaient coûte que coûte à dresser des parallèles et des raccords avec l’œuvre sacrée de Lucas, Solo se contente de raconter une aventure au lieu de la mettre en abyme. Comme s’il avait manqué la phase post-moderne du blockbuster hollywoodien. Un brin archaïque dans sa narration et sa représentation du monde, Solo retrouve paradoxalement l’esprit qui animait Un nouvel espoir, le premier volet de la saga. Avec tout le respect qu’on doit à Lucas, il faudrait avoir des œillères pour ne pas voir les innombrables erreurs techniques – faux-raccords, jeu d’acteur à la limite du ridicule, trous de mémoire dans les dialogues… – qui jalonnent ce film-culte. Malgré ses fautes, on pardonne à Un nouvel espoir, parce que sa candeur apporte une fraîcheur bienvenue dans le cinéma d’action.
Pourquoi ne pas faire de même pour Solo ?

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Durée : 135 mn


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