Clinquant, voire tape à l’œil ? Oui, forcément ! On voit mal le Guy Ritchie des décoiffants Snatch et autres Arnaques, crimes et botanique la jouer austère, alors qu’il dispose, ici, des moyens hollywoodiens de Joel Silver, "the" producteur poids lourd de Matrix, L’arme fatale et Piège de cristal (notamment). Donc ça en jette. Vraiment. A grands coups de ralentis hypnotiques, de bagarres frénétiques et… de décors hyperboliques. Mais comment résister à l’ampleur de cette reconstitution ? Tel quel, ce Londres victorien (fin du XIXe siècle), alors en pleine mutation, est épatant de mystère et d’énergie, dans ses sombres ruelles pavées, dans ses quartiers chics et codés, comme dans ses zones portuaires et industrielles, grouillantes de machines et de promesses d’aventures.
Infidèle, voire sacrilège sinon à côté de la plaque ? Là c’est moins sûr. Certes, le Sherlock Holmes du ci-devant Ritchie ressemble davantage à un "bad boy" bohème et ombrageux, pas très soigné, qu’au gentleman britannique qui, depuis les années 30/40, visite régulièrement, élégamment, le grand écran. Pour autant, il semble bien qu’à l’origine, justement, le fameux personnage de Sir Arthur Conan Doyle combinait ce mélange de classe décalée et d’hyperactivité un rien voyoue. Surtout, si l’aspect mauvais garçon de cette version 2010 étonne, sinon détone, l’essentiel a été préservé. Ainsi, outre une droite redoutable, ce Sherlock-là possède toujours un sens aigu de l’observation et de la déduction. Tout autant que cette mélancolie irrépressible, qui sous-tend chacune de ses manies.
Touffus, confus, voire incompréhensible ? C’est peu dire, en effet, que les ressorts de cette nouvelle intrigue s’opacifient, au fur et à mesure que l’enquête avance ! Mais doit-on s’en agacer ? N’y-a-t-il pas là plutôt matière à jeu, fausses pistes, chausses-trappes, et clins d’œil ? D’autant que l’histoire, elle, répond à des schémas classiques : on est bel et bien en présence d’une vengeance, celle d’un méchant, adepte de la magie noire, apparemment surgi du royaume des morts, et qui met la ville, Scotland Yard, voire la Couronne en émoi. Le reste… En fait, c’est précisément à travers ce scénario narquois, saupoudré d’ésotérisme et d’arts martiaux, que se révèle la principale qualité du film : le plaisir.
Comédie
Eh oui ! Cela n’est évidemment pas un hasard si Robert Downey Jr – qui transpire d’intelligence et de complexité, comme son personnage – a reçu tout récemment le Golden Globe du "meilleur acteur dans une comédie" pour ce rôle. Le tandem en forme de vieux couple qu’il compose avec Jude Law – un Dr Watson un peu rigide, mais plus dandy et héroïque que d’ordinaire – est source de facéties à moult degrés. Sous couvert de "blockbuster" à l’américaine, Sherlock Holmes n’oublie donc pas de manier un humour "british" pour le coup bienvenu, dédié comme il se doit à la litote, l’effet retard voire le burlesque. A noter que même le "sous-texte" homosexuel est présent, à peine désamorcé par deux figures féminines certes charmantes (l’une romantique, l’autre aventurière, comme autant d’archétypes) mais peu consistantes.
Allez, ce divertissement est d’autant plus malin qu’il sait marier une approche contemporaine du film d’action aux recettes les éprouvées du genre ! Dont la fin, en forme de "to be continued" propre aux feuilletons de l’époque : tant qu’à faire, on a évidemment très envie de confronter l’excentricité ingénieuse du Sherlock de Robert Downey Jr à la malice glaciale de son ennemi juré, le Pr James Moriarty… D’autant plus s’il a les traits de Brad Pitt !