Shadow Dancer

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Thriller dans le Dublin des années 90.

Une jeune femme, membre de l’IRA, est arrêtée suite à un attentat manqué en plein Londres. Un agent anglais lui propose d’éviter la prison en s’engageant en contrepartie à lui livrer régulièrement des informations sur ses frères, également activistes, et leurs relations. Thriller d’infiltration paradoxal, Shadow Dancer manque malheureusement sa meilleure piste, à savoir le travail de son terrain, la cellule familiale, espace de l’intime devenant dangereux. L’ambiguïté, comme le mystère, manque. La faute à un scénario qui laisse peu de place à ses personnages secondaires (excepté une sorte d’enquêteur sadique traquant les taupes au sein de l’IRA), et à une mise en scène qui dispose ses enjeux de manière trop évidente, laissant deviner ce que le récit donnera comme des révélations. Le dénouement, cousu de fil blanc, confirme l’impression de surplace, ainsi qu’une certaine lourdeur. Les visages sont restés les mêmes, monolithes, pour certains de tristesse, pour les autres de mesquinerie, tous en bout de course, enfermés dans leurs petites manipulations.

Le virage vers le cessez-le-feu de 1994 est présent en toile de fond et amène deux problématiques : celle de la séparation entre une action politique en quête de légitimité et l’action clandestine, et celle d’un glissement des activistes et agents vers des actions avant tout personnelles, contribuant au caractère tragique du film. Celui-ci se focalise avant tout sur deux aspects. Tout d’abord un portrait psychologique de son héroïne (Andrea Riseborough, plutôt convaincante), entre peur, dégoût, culpabilité, et la révélation finale de facultés insoupçonnées, dépassant son rôle d’espion amateur installée en première ligne. Le film cherche à construire l’image d’une femme forte à la trajectoire tortueuse. Cela fonctionne plutôt bien. Ensuite, la création d’une atmosphère triste et pesante, où la grisaille ambiante, le traitement des personnages (chacun renvoyé à ses petits intérêts), la combinaison entre l’utilisation d’images de télévision relativement à des faits politiques d’importance mais découvertes dans des lieux anodins, et l’usage appuyé de la longue focale, isolant chacun dans son propre plan, faisant éclater l’espace, provoque un changement de statut des activités de ces agents secrets comme des membres de l’IRA. C’est là le fait le plus fort du film : tout y devient fait divers sordide, les petites manipulations laissant éclater l’individualisme et la mesquinerie qui les gouvernent, un assassinat politique prenant les allures de vendetta conduite par une bande de délinquants. On peut aisément lire derrière ces partis pris l’ambition réaliste du documentariste James Marsh (Le Funambule, 2008 ; Le Projet Nim, 2011). On peut regretter qu’il se contente de les amorcer, versant également par moments sous le même prétexte dans une certaine lenteur, une uniformité de ton, un côté chronique policière où l’intensité de la mise en scène s’efface au profit d’effets de reconstitution pauvres et d’évocations psychologiques superficielles et dispensables.

Titre original : Shadow Dancer

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Durée : 102 mn


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