C’est le premier long métrage de Fabio Grassadonia et Antonio Piazza, adapté de leur court Rita (2009), bâti peu ou prou autour du même motif et du même personnage féminin. La fusillade passée, Salvo enlève Rita et la tient captive dans une usine désaffectée ; la détention constitue la plus grande part de la deuxième moitié du film. Peu d’enjeux scénaristiques, une narration réduite au strict minimum, qui serait conceptuelle si ensuite les cinéastes ne s’y remettaient tout à fait : Salvo est un film d’ambiance, ultra-sensoriel, où il s’agit plus de capter quelque chose de la tension (sexuelle) qui s’installe entre Rita et son ravisseur – de l’ordre du syndrome de Stockholm peut-être – que de véritablement maintenir le suspense autour du sort de la jeune femme. L’utilisation de sa cécité, pas tout à fait avérée (Rita perçoit des formes et des mouvements, sa vue reviendrait-elle progressivement ?) permet à la mise en scène de déployer plus avant son caractère d’enfermement, en s’en remettant aux sons plus qu’aux images. À plusieurs reprises, en cadrant sur le personnage de Rita, la photo, très soignée, empêche comme elle de voir ce qui se joue : l’effet de flottement et d’incertitude domine alors Salvo et lui confère son pouvoir de fascination.

Il y a pourtant qu’à trop vouloir se réduire à l’essentiel, le film donne finalement l’impression d’être soi-même un peu en-dehors de la trame, comme étranger aux développements, souvent imperceptibles, qui s’opèrent entre Salvo et Rita. On distingue le sentiment de fatalité qui en émane : Palerme n’échappera jamais au crime organisé, et l’hypothèse même d’une rencontre en ses murs tient du miracle. Pas besoin de mots alors, tout se joue dans un silence aussi pesant que la chaleur et la violence endogène, jusqu’à un final vaporeux où la caméra, elle aussi muette, observe une vue sur mer, témoin privilégié d’une ébauche d’histoire qui aura bien du mal à se faire.