Roman Polanski : Wanted and Desired

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L´art de réduire l´extraordinaire biographie d´un grand cinéaste contemporain à ses frasques médiatiques : Roman Polanski à travers le prisme amer des gros titres de la presse à scandale.

De deux choses l’une : ou bien on a lu le synopsis du documentaire avant d’aller voir le film, ou bien on a préféré laisser plus de place au plaisir de la découverte. Dans les deux cas, la déception est grande, tant le film ressemble à un assemblage, méticuleux certes, mais férocement élitiste, de tous les faits divers que la presse à scandale a retenu des agissements de Roman Polanski. Ici, si le réalisateur est wanted et desired, ce n’est pas parce qu’il a bâti une carrière extraordinaire à la seule force de son talent, mais bel et bien parce qu’au fil de sa vie, son nom a plusieurs fois été associé aux gros titres d’un nombre incalculable de tabloïds peu scrupuleux.

Présenté comme un biopic non autorisé du cinéaste, Roman Polanski : Wanted and Desired prouve sans détours que comme toujours, il est plus facile et plus rentable de parler des frasques d’une célébrité, fût-elle la plus respectable autorité du pays, que de s’essayer au documentaire sincère et honnête. Cependant, n’allons pas mentir en hasardant un jugement erroné : Marina Zenovich manifeste un excellent potentiel en signant un reportage soigné et maîtrisé, présentant des images d’archives savamment choisies et somme toute relativement pertinentes.

Pourtant, malgré ces précautions non négligeables, le scepticisme persiste. On ne peut s’empêcher de penser que le film laisse échapper quelque chose d’essentiel, un on-ne-sait-quoi d’objectif et de libéré des habituels carcans médiatiques. Marina Zenovich semble oublier, le temps d’un documentaire, que la caméra est un instrument à double tranchant, à la fois fenêtre ouverte sur l’univers de l’indicible, et cadre austère traçant une frontière risquée entre ce que l’observé vit et ce que l’observateur voit. Délaisser le côté artiste pour sublimer le côté people.
« Les célébrités sont des personnes comme les autres, mais pour les artistes, c’est une autre paire de manches », semble dire Marina Zenovich, qui manipule les images pour offrir une sorte de « biographie médiatique » aux allures de coffre à ragots faisant l’apologie du voyeurisme.

Dans l’esprit du spectateur, le film s’achève comme une leçon sur le crédo ambigu de « l’originalité à tout prix » : oui, il est tout à fait possible de réaliser un documentaire sur un grand cinéaste contemporain en utilisant 300 fois le mot « judiciaire » et 15 fois le mot « cinéma ». Roman Polanski en fait les frais dans ce reportage expérimental, qui prend un malin plaisir à éclipser les belles empreintes que le réalisateur franco-polonais, pourtant parti de rien, a su laisser dans le monde du septième art.

Titre original : Roman Polanski : Wanted and Desired

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