Red Rose

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Téhéran, 2009. Une histoire d’amour sur fond de guérilla urbaine.

Servi par la belle musique envoûtante d’Ibrahim Maalouf et la photo magistrale de Pantelis Mantzanas, ce film nous emmène dans le huis clos d’un appartement de Téhéran pendant la révolution de 2009. Dehors, la rue hurle ; dedans, un couple se forme pour mieux se séparer – c’est cette lutte entre le réel et le rêve que tente de magnifier Sepideh Farsi avec ce cinquième long métrage. Le film se base sur la dialectique et l’on sait que celle-ci finit toujours par nous rattraper. En effet, au moment où quelques jeunes, traqués par la police du régime qui a truqué les élections, entrent dans l’appartement calme et clean d’un homme seul, sa vie va basculer à la fois dans le désir et l’amour pour une jeune fille qui a la moitié de son âge ; puis dans une certaine forme de lâcheté qui l’entraînera dans le discrédit. Argument en or pour la réalisatrice afin de mettre en parallèle deux générations d’Iraniens : celle qui a connu la fin du règne du Shah et l’arrivée au pouvoir de l’ayatollah Khomeiny ; et celle qui se veut jeune, libre et qui réfute les élections truquées qui portent au pouvoir Mahmoud Ahmadinejad alors qu’Hossein Moussavi avait été élu à une large majorité. La ville est à feu et à sang, la police tire sur les manifestants et Sara (interprétée par la belle Mina Kavani) participe aux manifestations mais finit toujours par se réfugier chez son amant, ce « beau vieux » comme elle le dit elle-même, Ali. Ce dernier, déçu par toutes les révolutions, ne veut plus rien savoir, ne veut plus participer à quoi que ce soit. Sara, passionnée et révoltée, se donne à fond dans cette guérilla urbaine perdue d’avance et offre ensuite son corps aux bras de son amant comme si le double danger de la révolte et de l’érotisme pimentait sa vie.

Si le message du film est assez sibyllin, on peut comprendre, in extremis, devant les images d’Ali filmé en direct pour la télévision d’État,  qu’il faut sans doute s’engager contre toutes les dictatures car elles ne pardonneront jamais rien et à personne. Toujours le délateur rôde et peut emprunter plusieurs visages. Mais il est aussi évident qu’il est terriblement plus dangereux de s’engager dans une révolution dans des pays tels que l’Iran, ou encore plus tyranniques comme l’actualité nous le démontre chaque minute de nos jours, que dans nos démocraties fatiguées, où l’on joue parfois à faire semblant de se révolter ou, pire encore, on est soumis et on accepte tout. Le film joue parfois de maladresse, insistant trop sur les scènes érotiques histoire de montrer combien la réalisatrice est libérée, surtout lorsqu’on filme en dehors de l’Iran. Pendant ce temps, de grands cinéastes iraniens sont toujours en résidence surveillée, ou en exil, et Hossein Moussavi, ainsi que son épouse Zahra Rahnavard, sont toujours étroitement surveillés et leur santé en grand danger.

Titre original : Red Rose

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Durée : 87 mn


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