Ils se cherchent puis se battent quand ils se trouvent, tant et si bien que cela en deviendra presque un rituel recherché par les deux personnages, malgré les coups et blessures. Co-écrit avec Céline Sciamma, qui se distingue depuis quelques années par un cinéma qui saisit avec acuité les bouleversements identitaires adolescents, particulièrement concernant l’élaboration d’une identité sexuelle (Naissance des pieuvres (2007), Tomboy (2011)…), Quand on a 17 ans traduit les opacités du désir homosexuel des deux garçons, leur tentatives labiles l’un vers l’autre. Le désir leur compresse la tête, il n’est pas seulement rimbaldien, il trouve également écho dans la définition de Paul Eluard : « Jeunesse du fauve/ Bonheur en sang/ Dans un bassin de lait ». Sur trois trimestres, chacun ponctué de moments pivots, les deux jeunes garçons s’entrechoquent, se refusent, contrariés mais attirés par des corps à corps qui défient leurs peurs, leurs tâtonnements. A Sandrine Kiberlain, qui joue avec sensibilité la mère de Damien, d’avoir ses mots très éloquents dans leur double sens, lorsqu’elle supervise leurs devoirs : « C’est marrant, vous bloquez tous les deux sur la même chose. »…
Avec des séquences parfois déséquilibrées, des récits troués, le cinéma d’André Téchiné possède pourtant une vraie beauté cinématographique dans sa capacité à saisir, par un geste brouillon, le « moment où le désir passe du ventre au cœur et affleure la conscience » (Céline Sciamma), en donner une substance visuelle singulière, à la sensibilité échévelée. Il n’est pas impossible que la partie malhabile de mise en scène qui jalonne ses films participe à la palpitation perceptible de ceux-ci. Damien et Tom sont plus proches du corps à corps de Mes séances de lutte (Jacques Doillon, 2013) que des personnages des Roseaux sauvages (1994), au canevas narratif similaire. L’importante physicalité des deux garçons, ici exprimant leur découverte du désir, a valeur de langage et de communication, à l’instar du film de Doillon (plus conceptuel). Le décor naturel, la vallée de l’Ariège, accompagne l’essence des corps, d’un désir à défricher ou à explorer. Comme les Calanques dans Les Témoins (2007), la ville de Nice dans L’Homme qu’on aimait trop (2014) ou l’estival Ma Saison préférée (1993), la vitalité charnelle est soutenue par le cadre géographique, naturel. Les bavures qui marquent le cinéma d’André Téchiné servent ici avec intensité et clairvoyance les bouillonnements particuliers liés au désir quand on a 17 ans.
Quand on a 17 ans
Article écrit par Lucile Marfaing
Les corps désirants et brouillons, toujours renouvelés, du cinéma d´André Téchiné.