Passion

Article écrit par

« Passion » sans passion pour un Brian de Palma à bout de souffle.

On attendait beaucoup du grand retour de Brian de Palma : malheureusement, ce Passion confirme le lent déclin du réalisateur depuis bientôt dix ans. En 2001, de Palma avait voulu, avec Femme fatale, effectuer un retour aux sources des thrillers virtuoses et hitchcockiens qui établirent son génie à ses débuts : Obsession (1977), variation sur Vertigo (1958) ; Pulsions (1980) revisitant, lui, Psychose (1960) ; Blow Out (1981), entre Antonioni et Hitchcock ; et Body Double (1984), qui exposait ses influences dans la folie pure. De Palma s’était judicieusement échappé de ce registre après ce dernier pour déployer sa maestria dans des genres plus divers avec les grandes réussites que furent entre autres Les Incorruptibles (1987), Outrages (1989) ou Mission impossible (1996). Bien qu’imparfait, Femme fatale avait néanmoins enchanté les aficionados du réalisateur de par ses audaces visuelles et narratives et sa vulgarité assumée. On y trouvait pourtant déjà les maux qui minent le cinéma de de Palma depuis : une tendance à la conscience trop prononcée de son style, l’autocitation et donc l’autosatisfaction. Cela sera confirmé avec la pantalonnade de l’adaptation du Dahlia Noir (2006), tirant vers un grotesque malvenu l’intrigue de James Ellroy. Faussement inventif, Redacted (2008) remakait lourdement Outrages en Irak à la sauce YouTube et fut encensé plus pour ses intentions que pour son résultat. Passion reprend la démarche de Femme fatale, rejouant la carte du thriller retors extravagant, l’inspiration définitivement à bout de souffle.
 

Le film remake le déjà peu réussi Crime d’amour (2010) d’Alain Corneau (dernier film du réalisateur français), dont l’intrigue est reprise à la virgule près. Les ajouts de de Palma apporteront uniquement matière aux grilles de lecture des chantres de la politique des auteurs mais certainement pas à ceux venus voir un bon film. À l’époque des grands films précités, de Palma prenait tous les risques dans sa mise en scène, n’hésitait pas à friser le ridicule dans ses effets mais sa maîtrise, toujours au service du récit, le faisait toujours retomber sur ses pattes. Ici, de Palma ne sert que lui-même et l’ensemble tourne à vide. Tout est là – le questionnement sur le regard et la notion de point de vue, la manipulation et la schizophrénie – mais pourtant rien ne fonctionne. Les reproches, souvent faits à tort, à de Palma, sont ici pertinents : virtuosité vaine où plans-séquences, split screen et mouvements alambiqués sont totalement gratuits (on pense notamment à celui entre le meurtre et le ballet). L’esthétique est dans l’ensemble hideuse et ringarde, en plus de faire dans la lourdeur explicative – la photo se faisant bleu sombre et les intérieurs tamisés dès que les relations se tendent entre les deux rivales. Si Noomi Rapace n’a aucun mal à faire oublier la mauvaise Ludivine Sagnier de l’original, Rachel McAdams, trop immédiatement sournoise dans son jeu, ne dégage pas l’ambiguïté, entre froideur et vulnérabilité, de Kristin Scott Thomas.

Malgré un pitch intriguant, Crime d’amour n’était guère palpitant. Pour rehausser l’intrigue, de Palma n’a comme atout qu’une suite de gimmick vains, à l’image d’un final reproduisant ceux de Carrie (1976), Pulsions ou même Femme fatale. De Palma aurait-il déjà tout dit ? Pour le savoir, et afin que s’estompe ce sentiment de redite, il faudra – comme autrefois – qu’il daigne s’aventurer sur des terrains moins familiers.

Titre original : Passion

Réalisateur :

Acteurs : , ,

Année :

Genre :

Durée : 101 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

A cause d’un assassinat

A cause d’un assassinat

Ce film d’Alan J. Pakula (1974), deux années avant son grand succès Les Hommes du président (1976), reflète les doutes d’une partie contestataire de la société américaine sur l’intégrité du système, après de nombreux et mystérieux assassinats politiques (Kennedy et son frère Bob, Martin Luther King), et ses craintes d’un complot ou de manipulations contre la démocratie. D’où un thriller politique volontiers paranoïaque.

Chronique des années de braise: une épopée tumultueuse portée à son point d’incandescence

Chronique des années de braise: une épopée tumultueuse portée à son point d’incandescence

C’est toute une mémoire collective du peuple algérien que retrace l’odyssée mouvementée du paysan Ahmed, héros mythique d’une épopée visionnaire. Evoquées dans un scope 70 mm en Panavision éblouissant de lumière crue, ces années de braise sont le ferment d’une révolution qui embrase sourdement une population sacrifiée par la colonisation française. La fresque homérique oscille entre une conscience nationaliste aigüe et un lyrisme de tragédie grecque où le réalisateur Mohammed Lahkdar-Hamina se mue en oracle histrionique, voix prophétique et guide spirituel d’un peuple en quête d’émancipation. Analyse…