Suite à l’apparition d’une faille dans l’Océan Pacifique ouvrant une brèche entre deux mondes, des monstres extra-terrestres (les "kaïju") surgissent au sein du nôtre dans le but de nous annihiler. Afin de les confronter, les hommes construisent des robots gigantesques (les "jaegers") pilotés à l’intérieur par des humains….
Film qui avait déjà fait beaucoup de bruit au Comicon aux États-Unis cette année, Pacific Rim est à l’origine né de la collaboration entre le scénariste Travis Beacham et Guillermo del Toro à qui Legendary Pictures avaient fait lire un simple pitch. De ce simple pitch, le réalisateur/scénariste/producteur a rédigé plusieurs versions du script avec le scénariste en question et, s’investissant pleinement dans le projet, a injecté tout son univers et ses obsessions, à commencer par une forte dose de Lovecraft (une fois n’est pas coutume dans les films de Del Toro). À l’auteur américain, on pourrait rajouter la série animée Evangelion (Hideaki Anno, 1995-2013), Goya (Le Colosse, 1808-1812), Transformers (Nelson Shin, 1984-1987) ainsi que toute la longue tradition des films de monstres japonais ("kaïju") à commencer par les Godzillas. C’est en effet la première chose qui saute aux yeux en regardant Pacific Rim : il s’agit réellement d’un condensé complètement assumé et jouissif de toutes les influences cinéphiliques du cinéaste, sorte de déclaration d’amour au genre en question. Si certains regretteront facilement un scénario assez léger et (on ne peut plus) basique, les autres apprécieront un gros film d’action divertissant, à la fois épique et démiurge, aux scènes de combat dantesques. Car tout l’intérêt du film réside bien là : voir des monstres gigantesques qui se battent contre des robots faisant la taille de gratte-ciels. Le résultat est de taille (et c’est le cas de le dire) tellement certaines scènes dépassent tout ce qu’on a pu voir au cinéma en termes d’ampleur et de rapports d’échelle depuis ces vingt dernières années (on notera celle, incroyable et aérienne entre un robot et un "kaïju" volant au-dessus des immeubles d’une ville, pour ne prendre qu’un exemple).
D’où le challenge du film : comment mettre en scène et filmer des « êtres » immenses qui s’affrontent, véritables stars du film, de manière crédible et excitante ? Le style de del Toro étant assez dynamique et découpé par nature (grande utilisation des travellings et de la Steadycam), le Mexicain fait ici un ample usage de la plongée/contre-plongée, focales très courtes, lens flares, salissures d’optiques et plus si affinités, afin de conférer un cachet plus immersif et réaliste aux scènes en question. Ainsi, le cinéaste retrouve son directeur de la photo habituel, Guillermo Navarro, travaillant de pair et de manière conséquente les effets spéciaux en images de synthèse. La 3D vient par ailleurs renforcer l’immensité des créatures, soulignée par la présence de particules diverses (la neige, les cendres, la pluie, la poussière, les étincelles, la fumée), donnant lieu à des scènes d’action visuellement hallucinantes. On évoquera notamment une très belle scène de flash-back, fortement imprégné de l’imagerie nippone, faisant figurer une petite fille japonaise perdue au milieu des décombres d’une ville et devant faire face à un des monstres en question, nous renvoyant ainsi aux incidents nucléaires causés par les Américains à Hiroshima et Nagasaki. Le film joue également beaucoup la carte de l’humour (les personnages des deux savants), venant nous rappeler qu’il s’agit avant toute chose d’un divertissement ludique et sans prétention, si ce n’est de nous en mettre plein la vue pendant deux heures et onze minutes. Côté casting, on louera la présence bienvenue de Ron Perlman en « marchand » déviant de "kaïjus" mais aussi et surtout d’Idris Elba (qui fait décidément partie des acteurs anglais les plus prometteurs de sa génération aux côtés de Tom Hardy, Michael Fassbender et Benedict Cumberbatch) en leader militaire. Seul vrai bémol du film : la musique de Raimin Djawadi, très basique (à l’image du scénario) malgré une certaine efficacité lors des scènes d’action évoquées.
Avec Pacific Rim, Guillermo del Toro nous fournit une dose massive de plaisir, étant à la fois extrêmement jouissif et impressionnant, ce malgré un scénario quasi inexistant. Désormais, le Mexicain s’atèle à un film fantastique beaucoup plus intimiste et proche de ses films espagnols : intitulé Crimson Peak, il s’agit d’une histoire de manoir hanté en Nouvelle-Angleterre avec Jessica Chastain, Mia Wasikowska et Benedict Cumberbatch au casting. Vivement !