Nightmares and Dreamscapes – DVD

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Nightmares et Dreamscapes, mini-série de huit épisodes réalisée pour la télévision, sort en DVD pour les fans du prolifique père de la littérature américaine de -au choix- suspense, horreur, épouvante–Stephen King.

King, les adaptations et la télé

Cette mini-série apparaît dans un contexte assez paradoxal : programmée à l’origine dans un creux entre deux saisons de Masters of horror (soit en 2006), elle prétend s’en démarquer tout en surfant sur la vague des anthologies horrifiques (après Masters, avant Fear Itself, et alors que le concept s’étend en Europe avec des Sable Noir ou les très bonnes Historias Para No Dormir). L’opportunisme de l’exercice se fait, il faut l’avouer, sentir à plusieurs reprises au long du coffret. D’abord dans le geste de concurrencer frontalement la série instiguée par l’ancien chouchou du King, Mick Garris, qui semble tombé à cet égard au second plan au profit de Frank Darabont (le récent The Mist et son final qui gâche tout sans que ça ne gène l’auteur du livre). Ensuite, par le choix exclusif de réalisateur de télévision, là où les autres anthologies de ce type misent sur des cinéastes (on concèdera les plus grosses signatures de Bowman qui a fait un crochet par le cinéma avec notamment Reign of Fire, et Brian Henson dont l’expérience au studio de son défunt père Jim le prédisposait pour l’adaptation de Petits Soldats. Ceci dit, ils signent aussi les meilleurs épisodes.).

Ce n’est toutefois pas la première fois que des nouvelles de King sont adaptées pour la télé ou la vidéo, et pour un Cat’s Eye majoritairement sympathique, combien nos vidéoclubs auront vu passer d’horribles Children of the Corn et autres Sometimes they come back ? On sait que King n’a juré à une époque que par le format de la mini-série de 5 heures, mais revoir les adaptations sous-rythmées et ultra lénifiées de ses pavés fait quand même assez mal au cortex préfrontal. On est en droit de préférer la version télé de Shining à celle de Kubrick (c’est le cas de King), mais ce serait quand même pousser le bouchon quand on compare les deux avec un minimum d’objectivité.

Dernier paradoxe, King clame un amour de la fiction télé et rend hommage dans nombre de nouvelles, dont certaines adaptées ici, aux séries de l’âge d’or (Twilight Zone et Outer Limits en tête), mais va produire ses écrits les plus faibles pour le petit écran… On se remémorera son Kingdom Hospital, transposition très pouêt-pouêt de la série de Lars von Trier et dont la seule bonne idée est aussi la plus grotesque (le tamanoir).

Au final, cette petite série est à l’image de son best-seller de grand-père : arrivée à une époque de massification de son genre et de son medium1, elle ratisse un peu trop large pour son propre bien et enchaîne les traits de génie avec les bêtises grosses comme elle, en recourrant un peu trop aux "cheap tricks". Si le bilan est mitigé, on trouve quand même plein à manger (et souvent agréablement) à ce buffet varié, mais c’est au prix de sérieuses crampes d’estomac qu’on aura de quoi se régaler. Car un certain nombre des nouvelles adaptées ici sont de véritables fantasmes de lecteur qu’on aurait faits chair.

Petits soldats

Après avoir exécuté un fabricant de jouets, un tueur à gages reçoit un colis de figurines miniatures pas si inanimées que ça.

William Hurt, toute mâchoire serrée, incarne avec son imposante présence cet homme dont le luxueux appartement va être littéralement pris d’assaut par des petits soldats de plombs décidés à venger leur créateur. Le postulat de départ, qui semblerait presque risible sur le papier, a déjà donné le Small Soldiers de Joe Dante, et ici, l’unité de lieu et de temps renforce l’asphyxie du personnage et notre sensation progressive d’angoisse. Tout se jouera en une soirée, muette et dévastatrice, et la fin, d’un humour grinçant, finit d’emporter le morceau et de placer Petits Soldats bien au dessus des autres épisodes.

La dernière affaire d’Umney

En 1938, un détective privé de Los Angeles voit son quotidien bouleversé par l’irruption dans sa vie d’un bien curieux… « propriétaire ».

L’épisode rompt a priori avec l’atmosphère générale assez sombre des autres épisodes, puisqu’il débute par la description chromée et drolatique d’une journée ordinaire d’un détective extraordinaire. Puis le ton change, et l’épisode devient une sorte d’uchronie et de tentative d’observation des rapports entre créateur et personnages, avec en prime une réflexion sur la responsabilité. C’est un peu lourd, un peu démonstratif et doté d’un final vraiment trop grandiloquent.

Quator à cinq

A peine sorti de prison, un homme part à la recherche d’un pactole caché comme un trésor.

Dans une Amérique white-trash et poussiéreuse, Willy sort de prison et retrouve sa jolie femme, qui l’a attendu une fois de plus. Sitôt rentré, il est déjà confronté à son passé, puisque son ancien compagnon de cellule lui lègue une bien alléchante part de butin ainsi qu’un sérieux désir de vengeance. Voici un épisode bien rythmé, alliant drame et thriller, ménageant de vrais moments de tension. Les personnages principaux sont intéressants, les acteurs convaincants, et on ne boude pas son plaisir de spectateur pour cette chasse au trésor haletante et nerveuse.

Le grand bazard : Finale

Un réalisateur de documentaire se confesse face caméra, et fait le récit des expériences scientifiques tentées par son frère pour faire disparaitre la violence des hommes.

Drôle de traduction de cet épisode, dont le titre original The End of the Whole Mess annonçait déjà mieux la teneur du film. L’épisode débute par l’annonce d’un terrifiant décompte, celui de la mort du narrateur lui-même ! Nous sommes accrochés au récit d’Howard qui, en dépliant son histoire familiale, nous confie peu à peu la généalogie d’un savant fou. Ce dernier n’est autre… que son propre frère. L’évocation ressemble à une chronique familiale, assez émouvante et drôle, bien qu’on devine couver, derrière les grands idéaux du frère, des projets plus éthiquement douteux. Déclenchées par le trauma du 11 septembre, les expérimentations à grande échelle emportent le récit vers le genre du film scientifique/catastrophe, avec hélas, trop peu de soin pour convaincre. La fin de l’épisode, précipitée, achève de faire un grand écart peu concluant entre chronique familiale et ambition de grand spectacle.

Crouch End

Londres. Un jeune couple bien beau et sympathique se perd dans le quartier de Crouch End, et sans doute entre les dimensions.

Alors s’il n’y a qu’une faute de goût dans cette anthologie, c’est celle-ci. Et elle est de taille. Humble hommage à Lovecraft, classique et bien dosé, la nouvelle était un bijou d’angoisse et de désorientation sur fond de soleil rouge. Avec ses acteurs complètement acharismatiques, ses dialogues ridiculement explicatifs, ses CGI affreuses et ses effets de manche gros comme une démonstration de logiciel vidéo de 1998, cet épisode est à fuir comme le staphylocoque doré. C’est bien simple, on a l’impression de voir une version prétentieuse et étirée du générique de la série, avec les mêmes effets de post-production, mais moins de force d’évocation. Le Crouch End audiovisuel ou cinématographique reste donc à faire. Ou pas.

Quand l’Autovirus…

Alors qu’il rentre en voiture, un auteur d’horreur à succès craque pour un tableau inquiétant dans un vide-grenier. Bientôt le tableau évolue, et le personnage qu’il représente semble le suivre à la trace.

L’un des segments "prestige" de la série, c’est-à-dire avec noms connus au générique. Un vrai réalisateur (Rob Bowman) et un rôle-titre charismatique (Tom Berenger est impeccable), pour une histoire qui se prête tout à fait au format, il n’en faut pas plus pour passer une heure certes peu surprenante mais qui tient ses promesses. L’adaptation amende intelligemment le très linéaire récit de base, à l’exception d’une séquence onirique pataude (« je suis toi, je suis ta peur, woohoo, youpla, on rase gratis »). Le fait d’affubler le personnage d’un début de cancer, loin d’être anecdotique, permet de motiver le récit de manière plus satisfaisante que ne l’aurait fait une transposition tel quel : l’écrivain y gagne en profondeur, les péripéties en résonances. Et pour une fois l’histoire s’arrête exactement là où elle le doit, sans épilogue redondant et surtout sans retour au statu quo, ce qui n’est pas si courant que ça à l’heure actuelle, et est d’autant plus rare que King est devenu assez pusillanime à ce niveau-là ces dernières années (encore une fois, le final "amélioré" de The Mist). Une qualité qui finit d’emporter l’adhésion.

Salle d’Autopsie 4

Mordu par un serpent alors qu’il jouait au golf, un homme subit l’imminence de sa propre autopsie. Il est le seul à savoir qu’il est vivant et seulement plongé en catalepsie.

Un petit objet simple et plaisant, bien que pas franchement indispensable et assez daté dans ses intentions et son libellé. En effet, on se retrouve ici devant l’adaptation télé d’une nouvelle qui démarquait elle-même un épisode de série télé (à savoir le segment Break down de la série Alfred Hitchcock Presents) ! Si la mise en abyme est amusante, ses prémices remontent donc aux années 50, tout de même. Bien entendu, la modernisation de l’argument ne manque pas de sel (montrer qu’on est vivant par la réaction à une manipulation fortuite mais bien placée, c’est amusant), et il faut avouer qu’en étant fidèle à l’histoire d’origine, l’adaptation la dynamise joliment (le serpent dans l’ascenseur). Mais cette inoffensive petite comédie (pas assez) macabre peine à se démarquer à côté d’autres ressortissants aux fragrances, disons, plus musquées, et surtout à ne pas ressembler à une simple occurrence licencieuse dans une série médicale à la mode. On verrait tout à fait la même histoire éclatée en sous-intrigue dans un épisode de House MD. Néanmoins, le tout est bien emballé et on s’amuse… Avec indulgence.

Un Groupe d’Enfer

Un couple en vacances tombe sur Rock n Roll Heaven, petit bourg à la Norman Rockwell idyllique. Sauf que c’est l’enfer où se retrouve tout le gotha des rockers violemment morts, et que ces derniers y séquestrent pour l’éternité les imprudents qui s’y aventurent.

L’argument est original, la narration chemine de manière à la fois assez surprenante et cohérente et on a envie de suivre ces personnages attachants (sans être à s’en relever la nuit non plus, mais les acteurs sont solides et leurs réactions crédibles). Le tout fait souvent mouche. Hélas, le rythme est effarant de langueur et on s’embête régulièrement, guettant les sosies de grands du rock, qui passent du saisissant (Buddy Holy, Janis Joplin ou les membres de Lynyrd Skynyrd sont incroyables de ressemblance) au carrément ridicule (Y’avait vraiment pas moyen de trouver des sosies satisfaisants de Hendricks et Presley ?) quasiment sans valeurs intermédiaires. On finit par guetter les quelques défaut visuels, intégrations moyennes ou matte paintings approximatifs. Sympathique, sans plus. La nouvelle est autrement plus vénéneuse.

Interactivité et technique

La technique est correcte, pas de surprises : étant donné qu’il s’agit d’image et de son récents, qui plus est tourné pour le medium télévisuel, le rendu est assez propre, contrasté, équilibré, assez bien mixé et taillé pour la platine. Les masters ne sont pas à tomber non plus, on remarque régulièrement quelques effets de postérisation sur les dégradés sombres, des chutes de bitrate mineures…

Les suppléments sont, quant à eux et sans surprise, très orientés promo et ne dépassent pas les 4 minutes. Et pour cause, ce sont les EPK publiés à l’époque sur Internet. Un making of qui tient sur 4 minutes ? Honnêtement ? Bref, on n’apprend donc strictement rien, mais on peu prolonger un peu le plaisir avec les entrevues des acteurs.


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