Moonwalk One

Article écrit par

45 ans et pas une ride ! Une étourdissante approche du voyage sur la Lune.

16 juillet 1969 : la fusée d’Apollo 11 décolle sous le feu des caméras emmenant à son bord trois cosmonautes américains en direction de la Lune. Qu’importe que quelques hommes (le soviétique Yuri Gagarin, puis l’américain Alan Shepherd quelques semaines plus tard en 1961), une femme (la soviétique Valentine Terechkova en 1963) ou une chienne (Laïka en 1957) aient déjà été mis sur orbite. Qu’importe que, dès 1966, les Soviétiques parvinrent à faire alunir la sonde Luna 9 et ramener des clichés du satellite terrien. Rien n’égale dans l’imaginaire populaire les quelques images de Neil Armstrong descendant lentement l’échelle de la fusée et foulant le sol lunaire, armé d’une phrase imparable, toute prête. Fascinée par la mission de ces grands hommes, ravie de damer enfin le pion aux Rouges jusqu’alors trop en avance et exploitant le filon d’un expansionnisme jamais démenti, l’Amérique entière est rivée en direct à son écran. L’Europe aussi dans une moindre mesure (rappelons qu’en France en 1969, il n’y a encore que deux chaînes de télévision).

D’un tel événement, il faut évidemment des images. Plusieurs projets se percutent avant même le voyage, alors qu’on n’est pas sûr de pouvoir ramener des images de bonne qualité de la Lune. Si un projet de la MGM capote assez vite, la N.A.S.A. pressent l’intérêt d’avoir un bon documentaire. S’associant à Francis Thomson Inc., présent depuis le premier projet, elle consent à financer un film d’une heure et place à la tête du projet le réalisateur Theo Kamecke. Il tire de l’événement un film de cent minutes dont la N.A.S.A. en fit couper dix. Sorti en 1970, selon le réalisateur, « ils ont sacrifié la poésie pour ne laisser que la technique. » En 2007, un groupe de cinéastes affilié à un programme de recherche sur les images tournées du temps d’Apollo 11 contacte Theo Kamecke qui leur confie avoir conservé la seule copie non censurée du film. Une bonne restauration image et son (on s’y croirait !) et voilà le DVD prêt pour le 40e anniversaire des premiers pas sur la Lune. C’est cette version inédite qui sort sur nos écrans cet été.

« Nous avons marché sur la Lune. Notre esprit s’ouvre à l’univers. »

A première vue, Moonwalk One est un rafraîchissement nécessaire, voire carrément une découverte, sur le déroulé du vol lunaire. Mais Kamecke ne filme pas seulement l’événement en lui-même – le décollage –, mais a aussi accès à une grande partie des phases de préparation (de l’entraînement au travail des couturières). Surtout, il bénéficie des images tournées en interne par la N.A.S.A. A la fois celles tournées durant le voyage et sur la Lune par les astronautes improvisés (mais largement coachés !) pour l’occasion cadreurs, mais surtout les images prises au moment du décollage en vue d’étudier tout déraillement technique, si déraillement il y avait eu. Une manne exceptionnelle et inattendue puisque 240 caméras 16, 35 et 70 mm ont filmé le départ sous tous les angles. Moment-clé de l’aventure et du film, le décollage se voit ainsi démultiplié, étiré en longueur : une véritable attraction étourdissante pour le spectateur. Etourdissant, Moonwalk One l’est dans son ensemble bien que le film prenne le soin d’être aussi pédagogique que décoiffant.

 

Il est impressionnant de constater que 45 ans plus tard, l’événement fascine toujours autant. L’envoi d’hommes sur la Lune avait tout d’un fantasme depuis des années en littérature (Jules Verne, De la Terre à la Lune, trajet direct en 97 heures 20 minutes, 1865 ; H.G. Wells, Les Premiers Hommes dans la Lune, 1901 ; Thea von Harbou, Une femme dans la Lune , 1928 ; Hergé, Objectif Lune et On a marché sur la lune, 1950-53) ou au cinéma (Georges Méliès, Le Voyage dans la lune, 1902 ; Fritz Lang, La Femme sur la lune, 1929, adapté du roman d’Harbou). Theo Kamecke a très bien saisi cette puissance fascinatoire et passe une bonne partie de Moonwalk One à la mettre en scène. Au-delà du seul événement, il tourne sa caméra vers ses premiers spectateurs : le flot d’Américains venus en masse communier devant ce spectacle unique, transformant Cap Canaveral en un inattendu site touristique et camping géant. Le réalisateur filme ceux qui attendent et regardent le décollage. Moonwalk One regarde des gens regarder. Peut-être plus encore que les images incroyables qu’il dévoile, le film vaut pour ses plans sur un peuple tout entier tourné vers la même direction, le nez vers les étoiles. Il montre aussi des hommes en quête de toujours plus de spectaculaire, et ce que ça peut avoir d’inquiétant.

Plus qu’à la performance technique et humaine, c’est vers son potentiel symbolique que penche alors Moonwalk One. Le film met ainsi en parallèle la mission Apollo 11 et les vestiges néolithiques de Stonehenge en Angleterre qu’on a pu interpréter comme un observatoire astronomique. Plus que jamais, aujourd’hui encore, le voyage dans la Lune de 1969 apparaît comme un mythe fondateur de l’humanité. Aller sur la Lune pour y chercher des réponses à nos origines ? Et pourquoi pas…
 

Titre original : Moonwalk One

Réalisateur :

Acteurs : , ,

Année :

Genre :

Durée : 108 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi