Mon meilleur ennemi

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Klaus Barbie. Un des personnages les plus tristement célèbres du siècle de l’horreur. Connu pour ses atrocités commises durant la seconde guerre mondiale, surnommé le « Boucher de Lyon », on connaît cependant beaucoup moins ses rôles dans l’après-guerre. Qui a déjà entendu parler des accords entre Barbie et les services secrets américains ? Du […]

Klaus Barbie. Un des personnages les plus tristement célèbres du siècle de l’horreur. Connu pour ses atrocités commises durant la seconde guerre mondiale, surnommé le « Boucher de Lyon », on connaît cependant beaucoup moins ses rôles dans l’après-guerre. Qui a déjà entendu parler des accords entre Barbie et les services secrets américains ? Du rôle de ce dernier en Amérique latine et en Bolivie plus particulièrement ? De sa responsabilité dans l’arrestation du Che ? Peu de gens finalement, car ce n’est pas cette histoire que l’on nous propose dans les livres d’histoire. Mais c’est celle qu’a choisi de mettre en lumière Kevin Macdonald, réalisateur entre autres du Dernier roi d’Ecosse et d’Un jour en septembre.

A travers ce nouveau documentaire, Kevin Macdonald nous propose un regard neuf sur le monde d’avant qui a modelé celui dans lequel nous vivons actuellement.

Le cinéaste revient sur le personnage de Klaus Barbie, sa vie, sonœuvre (horrible). Il retrace le rôle joué par ce chef de la Gestapo, le « Boucher de Lyon », le tortionnaire de Jean Moulin. Mais il soulève aussi le voile sur une zone d’ombre trop rarement éclairée. Sa vie après. Son rôle d’agent pour le CIC (contre-espionnage américain) qui l’a utilisé, lui et nombreux autres anciens nazis de la seconde guerre mondiale, afin de lutter contre la menace communiste. Kevin Macdonald part aussi sur les traces de Klaus Altmann (ayant beaucoup d’humour –noir-, Klaus Barbie a changé de nom, prenant celui du rabbin de son village d’enfance) en Bolivie où celui-ci devient bien vite l’homme de l’ombre de la répression bolivienne. Puis après plus de 30 ans passés en Amérique latine, « traqué » par le couple Klarsfeld (avocats chasseurs de nazis), il est arrêté puis ramené en France. Son procès (il a alors pour avocat Maître Vergès) se déroule à Lyon où il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour crimes contre l’humanité en juillet 1987. Il meurt en prison le 25 septembre 1991. Afin de revenir sur cette histoire, Kevin Macdonald déroule sous nos yeux 60 ans d’archives et de témoignages de tous horizons.

Mais qu’a donc de si important et de si particulier ce documentaire retraçant la vie de ce personnage ?
On se penchera tout d’abord sur l’affiche qui accompagne le film. Affiche qui, certes, en interpellera plus d’un puisqu’est alors représenté le visage de Klaus Barbie sur fond de drapeau américain. L’explication de ceci est présentée dans le film mais l’affiche donne déjà le ton du documentaire.

Un des autres grands intérêts du documentaire réside dans la manière dont celui-ci est abordé et son sujet traité. Kevin Macdonald ne nous dresse pas uniquement le portrait d’un homme atroce, mais il le replace dans un contexte, celui de la seconde guerre mondiale ainsi que celui de la guerre froide et des dictatures d’Amérique du sud. Klaus Barbie est un des liens, longtemps gardé secret, existant entre le monde d’hier et celui d’aujourd’hui. Protégé dans l’Allemagne de l’après-guerre par le CIC, transféré en Amérique latine avec l’aide du Vatican et chef d’orchestre de nombreux complots (plusieurs putsch notamment) en Bolivie, le réalisateur insiste fortement sur ce point : Klaus Barbie, homme de l’ombre mais parfois aussi en première ligne, n’agit pas seul. Kevin Macdonald met alors sur le devant de la scène l’implication des gouvernements puis leur hypocrisie à venir. Barbie leur a servi, ils l’ont utilisé puis jeté. « Je voulais montrer aux gens à quel point les gouvernements étaient amoraux et pragmatiques, et à quel point la propagande sentimentale qui passe souvent pour de l’Histoire n’est rien d’autre que de la propagande accommodante » dixit ce dernier. N’enlevant rien à la barbarie du personnage et ne montrant pas de pitié à son égard, le réalisateur tente d’être le plus juste possible en mettant en cause les autres entités présentes à ses côtés.

Il en profite aussi pour revenir sur un sujet tout aussi épineux. Les livres d’histoire inscrivent souvent dans nos mémoires que le fascisme est « mort » à la fin de la seconde guerre mondiale. Faux, car loin d’avoir disparu, celui-ci a même été utilisé par ceux qui le combattaient auparavant. « Le film pourrait aussi s’intituler : Comment les fascistes ont gagné la guerre » avoue même le réalisateur.

Ce film dresse donc le portrait d’un homme inhumain. Mais pas seulement. Il montre aussi que les enjeux, qui souvent nous dépassent, sont énormes et passent avant les crimes d’un homme et son jugement si celui-ci peut servir. Troublant mais intelligemment mené, Mon meilleur ennemi ouvre une nouvelle porte sur l’histoire et nous projette dans la complexité d’un monde que l’on ne soupçonne parfois même pas.

Titre original : My Enemy's Enemy

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Durée : 87 mn


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