Moi, Tonya

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Un biopic qui traîne en longueur et tourne en rond.

Les fans de patinage artistique s’en souviennent forcément, les autres sans doute moins : en 1994, l’Amérique est en émoi en découvrant que sous leurs bodys à paillettes, les patineuses ne se comportent pas toujours comme des princesses. Peu avant les Jeux Olympiques de Lillehammer, Tonya Harding – connue pour être la première américaine à réussir un trip axel – est accusée d’avoir planifié l’agression de sa rivale Nancy Kerrigan. Si à l’époque l’affaire fait autant de bruit, c’est qu’elle ressemble déjà à un film avec la gentille fille propre sur elle, attaquée par la vilaine white trash avec l’aide de son mari et de son « garde du corps » aussi abrutis et beaufs l’un que l’autre. Plus de vingt ans après les faits, Craig Gillepsie se sert de l’affaire comme prétexte pour dresser un portrait de cette femme, depuis son enfance jusqu’à sa déchéance, qui fut aussi adorée qu’elle fut détestée, avant d’être oubliée.

 

 

Redneck sur patins

Dès les premières images, le réalisateur australien prend le parti du biopic partial et orienté puisque chaque protagoniste livre à la caméra sa version de l’histoire, en toute bonne foi cela va de soi. French manucure, permanente frangée et clope aux doigts, c’est une Tonya Harding quarantenaire (Margot Robbie) que le spectateur découvre, dans sa cuisine un peu moche de l’Oregon. Ses mots ne sont pas aimables et elle est un peu vulgaire, à la fois totalement en adéquation avec l’esthétique kitsch du patinage artistique mais absolument à l’opposé de l’image de délicatesse qu’il renvoie. A l’inverse de ses concurrentes, elle patinait dans des costumes faits maison, les ongles vernis en bleu, sur du ZZ Top au lieu de glisser avec grâce et sobriété sur Le lac des cygnes. Le film nous le dit, nous le répète : Tonya était le vilain petit canard des patinoires, celle qui refusait de se fondre dans le moule, et c’est aussi ce que la société a voulu lui faire payer. Une victime de sa classe, en quelque sorte, condamnée à chuter pour avoir voulu s’élever dans un monde qui n’était pas le sien. L’idée tient la route mais elle est gâchée par le second degré quasi-permanent qui touche au cynisme, et qui rend l’ensemble du film finalement plutôt laid.

Bêtes et méchants

Le premier plan a beau affirmé que le film se base sur de réels entretiens « dénués d’ironie, violemment contradictoires et totalement sincères », force est de reconnaître que le scénario y injecte de fait une forte dose d’ironie qui, si elle fait rire un temps, finit très vite par lasser, quand elle ne devient pas gênante. Que Tonya soit victime d’une mère abusive qui l’insulte à longueur de temps puis mariée à un homme stupide qui la tabasse, tout est traité avec le même second degré à grand renfort de déclarations face caméra contredites par les images, d’adresses à la caméra ou d’arrêts sur image. Si bien que la mise en scène amène à rire des insultes de la mère comme du visage tuméfié de Tonya. Il va de soi que le potentiel comique de ces scènes tourne très vite court ; mais ce parti pris étant presque tout ce que le film a en fait à proposer, la blague fait long feu et l’ennui s’installe pour de bon. Moi, Tonya est une galerie de personnages aussi bêtes que méchants, et qui ne sont justement que bêtes et méchants du début à la fin dans le seul but que l’on se moque d’eux. Et Tonya Harding n’échappe pas forcément à ce traitement – même si elle est le personnage pour lequel le réalisateur a probablement le plus d’empathie. En creux se dessine le portrait d’une sportive peut-être pas aussi douée qu’elle ne l’imaginait, dont la minute de gloire a en réalité duré une seconde, le temps d’un triple axel réussi. Mais le plus raté dans ce film, ce sont ces scènes de patinage, pensées comme des scènes d’action mais que les effets visuels rendent monstrueuses. La laideur, encore.

Titre original : Moi, Tonya

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Durée : 120 mn


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