Memory Lane

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Un groupe de jeunes gens marche. Ensemble silencieux, presque absent, ils rentrent chez eux, dans la banlieue parisienne, après une soirée : pures contemplations cinématographiques, ces simples déambulations en extérieurs font tout le sel d´une première oeuvre gracieuse et aboutie.

Premier long-métrage de Mikhaël Hers après trois courts, dont Montparnasse (lauréat du prix Jean Vigo 2009), Memory Lane se ballade dans une banlieue déserte près de Paris, offerte comme terrain de jeu géant à des amis d’enfance se retrouvant au mois d’août. Rien de clinquant ou d’excessif, juste l’esquisse de quotidiens, avec leurs joies et parfois leurs peines, ici immenses. Le cinéaste filme une troupe de comédiens dont beaucoup ont déjà une belle expérience du théâtre, sa direction d’acteurs, qu’on imagine très précise, lui permettant de recréer la moindre fébrilité, le moindre émoi chez ses personnages. Plusieurs scènes, comme celle où deux mains finissent enfin par se rejoindre, une scène d’amour dans un gymnase ou encore un père et sa fille surpris par leurs émotions, sont magistrales et hantent longtemps.
Mikhaël Hers nous donne littéralement à voir la sensation de nostalgie, ce goût du passé toujours un peu douloureux qui effleure le cœur de ses personnages, la fraicheur d’une mise en scène patiente, ainsi qu’une musique originale toute en nuances n’y étant pas non plus pour rien. Ainsi, une partie de ping-pong, quelques soirées, et certains silences expriment-ils parfois bien mieux les « choses de la vie » que beaucoup de dialogues.

La musique pop et charmante, composée par David Sztanke (leader du génial groupe de rétro-pop Tahiti Boy & The Palmtree Family, également acteur dans le film), ajoute encore à la saveur de cette fiction aérienne. S’incarnant à plusieurs reprises directement à l’écran (les personnages ont un groupe), les compositions sont tantôt mélancoliques, tantôt énergiques, épousant parfaitement le rythme dissonant du film.

Memory Lane est un film d’extérieur, la nature et les espaces urbains sont filmés d’égal à égal, capturés sous une douce lumière. La caméra, très mobile, colle aux basques des personnages tandis que la mise en scène alterne des plans serrés, voire très serrés, avec de beaux travellings aériens, éloignant le film de la captation laide du banal.
 
Le film est surtout plutôt original, mine de rien, par les personnages qu’il dépeints. Jeunes gens très middle class venant d’une banlieue ni pauvre ni privilégiée du sud-ouest de Paris, ils sont la catégorie sociale invisible du cinéma français. Entre la fin des études, les jobs d’été alimentaires, quelques ambitions artistiques évoquées du bout des lèvres, le retour chez les parents, le rappel de l’enfance et la facilité de la nostalgie, ces jeunes gens, aux préoccupations tellement banales qu’on ose à peine reconnaitre que ce sont les nôtres, ont quand même un charme fou. Le cinéaste réussit également le pari de faire un vrai film de bande, où l’amitié n’est pas portée en étendard, mais au contraire affleure de temps en temps, au rythme d’un morceau joué ensemble, d’une marche nocturne ou d’une danse, moment d’intimité partagé dans la foule.
Beau par la modestie de ses ambitions, son naturalisme non dénué de grâce et ses quelques ruptures de tons, plutôt étranges de prime abord, mais  confirmant la versatilité des sentiments des personnages (le film a quelque chose de rohmérien dans son approche des dialogues), Memory Lane restera une énigme pour ceux qui ne prendront pas le temps d’attendre, de s’ennuyer et de déambuler aux côtés des personnages. Pour les autres, le film est un petit choc émotionnel, mais en mode mineur, ou plutôt ayant la modestie des futures grandes œuvres.

Titre original : Memory lane

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Durée : 98 mn


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