Mange, ceci est mon corps

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Sortie DVD chez Shellac du premier long métrage de Michelange Quay, privilégiant cette fois au côté frondeur de « L’Evangile du cochon créole », le court métrage l’ayant fait connaître, les eaux moins claires de l’ésotérisme.

La très longue séquence d’ouverture nous fait plonger dans l’île à travers des images aériennes de Haïti depuis l’océan jusqu’aux bidonvilles et au-delà. La musique d’accompagnement proche du jazz contemporain, produit de suite un certain effet d’étrangeté. Tout à coup, une femme en plein accouchement dans un village ; de l’eau (symbole récurrent dans le film), puis des enfants en file indienne qui se dirigent vers la grande maison de Madame (Sylvie Testud).
On passe alors d’une série de plans esthétiquement proches du documentaire, à une sorte d’allégorie narrative qui va se mettre peu à peu en place dans les séquences suivantes où les enfants évoluent chez Madame, avec un surréalisme surfait. Par la suite, ces deux univers tenteront de se coordiner sans y réussir forcément.
L’intention du réalisateur est de mener le spectateur vers une sorte de transe poétique et contemplative à partir de ces deux univers, pour illustrer son interprétation du colonialisme et dénoncer, peut-être, ses effets sur la société haïtienne.

Malheureusement pour le spectateur, cette intention reste obscure durant la projection. Il est vrai que le titre Mange, ceci est mon corps est pour le moins évocateur et provocateur, mais on est tenté de dire ici que le spectateur finit par rester sur sa faim…En effet, l’intention du réalisateur ne trouve pas d’aboutissement évident, car, en incitant le public à une lecture contemplative d’images nettes, sans profondeur ni ambiguité, la magie recherchée du rêve et de la transe se voit réduite et bornée au système allégorique lui-même, très obsolète à notre avis.
On pense ici à la séquence où les enfants, après avoir englouti un gâteau laissé à l’abandon, jouent à s’entretuer avec un calme brusqué dans les pièces et couloirs vides de la grande demeure de Madame. Le symbolisme est certes évident, puisque tout est littéral et visible à l’image, mais le manque de profondeur dans l’analyse surexpose le symbole lui-même, et écrase la métaphore.
A cela s’ajoute le fait que, en mélangeant l’univers narratif des séquences chez Madame aux images de l’île dans l’actualité, la contemplation recherchée est interrompue sans cesse à cause du changement de repères constant. Ce n’est que vers la fin du film que l’on se décide à mélanger les deux univers en montrant Madame au milieu d’un marché ; dans la ville ; face à un petit enfant qui pleure de faim, etc., mais l’effet sur le spectateur est très pauvre car celui-ci met du temps à venir.

Ainsi, Mange, ceci est mon corps finit par décevoir de par sa volonté d’être didactique, fictionnel, moralisateur et poétique en un seul et même temps. Le spectateur moyen risque de ne pas réussir à assimiler ce film, ainsi que de souffrir de l’absence de point de vue novateur sur le colonialisme en soi.

Titre original : Mange, ceci est mon corps

Acteurs : ,

Genre :

Durée : 105 mn


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