Malveillance

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Que feriez-vous si votre seule chance de bonheur devait passer par le malheur des autres ? César a lui décidé d´être actif dans sa recherche du bonheur…

César (Luis Tosar) se dit victime d’une anomalie génétique, il pense être incapable de bonheur. Constamment confronté au bien-être des autres, il mène une existence torturée. Le dernier personnage du réalisateur Jaume Balaguero (La Secte sans nom, REC) connait toutefois une source d’apaisement : le malheur des autres. Alors, pourquoi attendre le bonheur quand on peut aller le chercher ? Célibataire dans la trentaine, César va construire son bonheur en causant le malheur des habitants de l’immeuble dans lequel il travaille comme gardien. C’est sur ce microcosme qu’il va déchaîner sa malveillance.

Le film s’appuie sur un scénario captivant construit autour d’un lieu que chacun croit sien, mais livré à la malveillance de celui que personne ne soupçonne. Comme gardien d’immeuble César a deux avantages : la confiance des locataires et l’accès à leur intimité. L’impuissance des locataires devient ainsi fascinante, et d’autant plus totale que ceux qui s’attirent les foudres de César sont ceux qui font preuve de gentillesse – Mlle Véronica (Petra Martinez), une vieille fille qui vit avec ses chiens, et Clara (Marta Etura), une jeune femme, heureuse et insouciante. Les locataires qui l’ignorent ne l’exaspèrent pas. Ceux-ci remarquent d’ailleurs à peine sa présence, à l’exception de la petite Ursula (Iris Almeida), qui seule connait le vrai visage de César et, loin de le craindre, le fait chanter. Des personnages si stéréotypés pourraient paraitre irréalistes. Mais justement Jaume Balaguero se sert de cette absence de vraisemblance pour faire basculer le film vers un autre registre : celui du conte. Le personnage d’Ursula pourrait alors représenter la conscience de César, une conscience qui exige de l’argent, puis du sexe, avant d’être dominée…

Plus que de simples témoins, le réalisateur espagnol fait de nous des complices de la quête du bonheur de César. Dès le début dans la confidence de ses mauvais coups, plongé dans son intimité, c’est tout le quotidien de César qui est montré : la douche, la préparation minutieuse, et souvent silencieuse, des prochains coups… On entre dans la tête du personnage, et bien que ses actes soient ceux d’un sociopathe, il reste humain, familier. Jaume Balaguero pousse cette complicité à l’extrême dans les moments de suspense forcément montrés du point de vue du bourreau, et non de la victime. Le réalisateur fait partager le stress et les sentiments malsains. Bien plus que l’aspect thriller de Malveillance, ce sont eux qui effraient. Peu à peu, c’est moins le personnage de César qui devient méconnaissable qu’un refus de notre part de s’identifier à lui, de lui reconnaître la part d’humanité qu’on lui avait accordé jusqu’alors.

La lumière chez Balaguero joue ainsi un rôle majeur et sert les différentes facettes du personnage. La journée César joue le rôle du serviteur attentionné. Le soir, si César est toujours aussi minutieux, il ne cherche plus la satisfaction des autres, mais, bien au contraire, leur malheur. L’illumination du personnage sera visuelle et symbolique. César est enfin satisfait lorsque la locataire du 5B, Clara, a perdu son sourire, quand il a réussi à le « lui arracher ». Pour la première fois on le voit en plein soleil, esquissant même un sourire. Grâce à Clara, il sait ce qui sera désormais sa raison de vivre.

Bien plus qu’un thriller, Jaume Balaguero nous offre avec Malveillance l’histoire d’un monde où l’innocence n’existe plus, où l’humanité n’est qu’apparente et la gentillesse nuisible : un monde effrayant car pas si éloigné du nôtre.
 

Titre original : Mientras duermes

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Durée : 102 mn


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