Love the hard way

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Film passé inaperçu accédant à une seconde vie grâce à un casting à présent connu ou ersatz maladroit capitalisant sur un succès ?

Dans le registre des direct-to-DVD opportunistes, interrogeons-nous sur deux cas d’écoles : le film passé inaperçu accédant à une seconde vie grâce à un casting à présent connu, et l’ersatz maladroit capitalisant sur un succès.

Réalisé en 2001 par John Sehr, réalisateur allemand officiant jusqu’alors dans son pays, Hard Way n’a rien de l’ambiance cool et décontractée qu’essaie de nous vendre sa jaquette. Et pour cause, avec son relent polardeux et sa tête d’affiche disposée avec soin, le marketing a su s’y rendre pour appâter son public : on y retrouve Adrien Brody, quelques années avant que Roman Polanski ne l’assoie au piano de l’une de ses œuvres les plus abouties, Pam Grier pour la caution d’authenticité (traversant le film habillée d’improbables tenues), et pour finir, quelques acteurs de séries B tout entier dévoués à la cause du film.

Soit l’histoire de Jack, petit escroc sans envergure marchant à la débrouille, s’entichant pour rire de Claire, jeune fille bien sous tous rapports. Traversant le film avec sa veste en peau de serpent, l’air emprunté au Sailor de David Lynch, Adrien Brody fait déjà montre d’une classe décalée et nonchalante, s’inspirant clairement du personnage du petit marlou cher au cinéma des années 70. A l’instar de cette époque à laquelle John Sehr fait référence, le récit structure et compose son cadre, insuffle une vie propre à ses personnages, joue sur leurs désirs et peurs à l’aide d’un montage parallèle dans certaines séquences et dépeint un New York laissé pour compte, ravagé par sa faune nocturne et sans cesse grouillante.

Sans s’oublier dans des considérations vainement utiles, John Sehr brasse un casting de seconds couteaux bien à leur place et n’oublie jamais d’alimenter l’étonnante alchimie entre ces deux personnages complètement opposés, faisant coïncider deux mondes si antagonistes que l’un des deux finira par se trouver contaminé et soumis à l’autre. Et de la descente aux enfers en résultant, on capte au-delà des images l’investissement d’un homme croyant à son histoire malgré les quelques défauts qu’on peut déjà lui déceler (manque de moyens évidents, fanfaronnades et sentiment de redondance du thème).

Curieusement, les évènements ne sont pas datés et le grain de l’image, la lumière blafarde et l’absence constante de repères rajoutent à cette authenticité, comme un rapport tardif d’une romance compliquée. Un bon point quand on considère que le passage de l’Atlantique s’avère être une étape difficile pour un réalisateur fatalement fasciné, se perdant dans des fantasmes de représentation héritée d’un cinéma exporté depuis des décennies. Une curiosité assez prenante, réflexion certes déjà vue sur l’amour et ses conséquences, à replacer dans son contexte pour en apprécier l’humilité.

De l’humilité, une qualité qui semble faire défaut aux distributeurs de Enterrés vivants, production secondaire n’ayant rien à envier aux dernières incartades de Steven Seagal en Europe de l’Est. Le genre horrifique, survivant comme il peut, se laisse en général facilement aller à la bêtise pour accrocher son public. Il suffit d’ouvrir les pages d’une revue spécialisée comme Mad Movies pour se rendre compte que le genre à pourtant ses aficionados, supporté par toute une pelletée de boîtes de productions dévouées à faire leur choux gras par le biais d’une certaine contrefaçon.

Enterrés vivants n’échappe pas à la règle et donne même le bâton pour se faire battre. Si la jaquette peut faire douter des intentions de CineTelFilms (ayant déjà lancé la production de six téléfilms depuis début 2008, avec toujours des titres aussi imagés que Ba’al, Hydra ou encore Ogre…), un tour au verso du DVD, promettant que « Si vous avez aimé The Descent, vous adorerez Enterrés vivants », nous donne un avant-goût…

Jouant sur un background historique proche du folklore européen (dans l’intention seulement) forcément exotique pour un public américain, le film s’attarde sur l’exploration d’une caverne suisse renfermant moult surprises parmi lesquelles des scarabées-rhinocéros géants ( !!) auxquels sera confrontée une équipe respectant les quotas du film d’horreur. Avec le parti casse gueule d’essayer de faire monter la pression en montrant absolument tout dans son introduction (véridique !), Enterrés vivants échoue lamentablement à s’extraire de la masse laborieuse et insipide des direct-to-DVD dont il est l’héritier dégénéré.

Avec un irrespect total du genre qu’il investit, le technicien responsable de la réalisation charge Digital Slaves de ses effets spéciaux bâclés, se monte incapable de construire correctement une scène d’exposition sans passer par les répliques les plus éculées, et demande expressément à certains de ses acteurs de prendre un accent allemand libéré de toutes contraintes. Le résultat est une farce insipide, s’offrant en plus tous les clichés qu’il est possible d’attribuer à une galerie de personnages : gamins insupportables, famille recomposée, bimbos stupides et vilains à l’œil noir… La totale, sous l’œil bienveillant d’une société de production misant tout sur l’emballage pour leurrer son public.

Le problème n’est pas tant l’évident manque d’ampleur du projet, mais bien l’irrespect total avec lequel il est traité. Passe encore que l’ensemble soit si éloigné de ses aînés auquel il essaie tant de ressembler, tant que la volonté, l’envie et l’amour d’un genre déviant transpirent sous la pellicule… Une peine jamais envisagée, d’autant que ladite boîte produit en chaîne des téléfilms de cet acabit, faisant passer tout son budget dans la réalisation de jaquettes promettant un idéal de film bien entendu erroné.

Titre original : Love the Hard Way

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Durée : 98 mn


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