L’essence de la comédie

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« Mieux vaut des ris que des larmes écrire… » (Rabelais)

Ce joli pavé de plus de cinq cents pages fait suite au succès de La dramaturgie du même auteur et dans la même maison d’édition. La couverture, ce coup-ci, est ornée de deux images qui donnent déjà le ton puisqu’il s’agit des personnages emblématiques du Dîner de cons (Thierry Lhermitte et Jacques Villeret). Dédié à René Goscinny et à Laurel & Hardy, cet ouvrage magnifique ne va pas tarder à devenir le bible de celles et ceux qui veulent embrasser le métier de réalisateur ou de dramaturge de comédies avec, in fine, un très long entretien avec Francis Veber, l’un des maîtres du genre, et surtout un lexique des termes utilisés, un index des oeuvres citées (et elles sont nombreuses) et, bien sûr, une bibliographie sans doute exhaustive. Comme dans tous ses ouvrages, persuadé que le répertoire est une « une mine de solutions d’une richesse inouïe » et multipliant les exemples en les diversifiant pour les mettre à la portée de tout lecteur, Yves Lavandier multiplie les exemples, passant d’Aristophane à Laurel et Hardy, de Lubitsch à Fabcaro. Il analyse cinq comédies par le menu (L’école des femmes, Le voyage de Monsieur Perrichon, Le pigeon, Astérix : La zizanie, Le dîner de cons), avec l’objectif d’en tirer des enseignements pratiques. 

L’essence de la comédie ambitionne de cerner le procédé bien spécifique qui génère le rire ou le sourire, tout en proposant une méthode d’écriture. Ainsi, l’ouvrage est à la fois un essai et un manuel. Un essai, parce qu’il s’efforce de définir la comédie, d’en comprendre le message, le principe et les limites. Un manuel, parce que Yves Lavandier y propose une méthode scrupuleuse pour écrire de la comédie, en particulier une oeuvre de fiction comique longue. Il est en effet plus facile et plus fréquent de produire des réparties ou des mots d’esprit qu’une comédie structurée sur la durée. Dans ce but, l’auteur s’attache à détailler les mécanismes de la comédie, à établir la différence entre un échec sérieux et un échec comique, et à explorer les rouages du comique de situation.

« La comédie fascine les humains depuis Aristote. Les philosophes se sont emparé très tôt du sujet, annonce la note d’intention du livre. Les dramaturges, aussi. Dans ses pièces, Aristophane fait dire à certains personnages (le Choryphée, par exemple, dans Les Acharniens) ce qu’il pense de la comédie, de sa portée, de son utilité. Dans le premier placet du Tartuffe, Molière donne à la comédie la mission de corriger les hommes en les divertissant. Au début du Barbier de Séville, Figaro explique pourquoi il rit de ses malheurs. Et puis il y a le célèbre livre de Bergson, Le rire, paru en 1900, dans lequel le philosophe français tente de circonscrire la comédie dans un principe général. »  

Donc un ouvrage à la fois universitaire et de vulgarisation dans la meilleure acception du terme, qui pourrait servir même aux élèves du secondaire dès la classe de quatrième.. Le rire comme art et comme divertissement pour oublier l’horreur parfois de ce qui nous entoure, et parce que, selon Rabelais parodiant Aristote, « mieux vaut des ris que de larmes écrire pour ce que rire est le propre de l’homme »

Yves Lavandier. L’essence de la comédie. Les impressions nouvelles, Bruxelles. 2023. 552 pages. 29,50 euros.

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