Les Vieux chats

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Un film pas drôle du tout.

« Drôle et cruel », annoncent les affiches croisées récemment dans le métro parisien. Remettons les pendules à l’heure. Les réalisateurs parlent d’un « drame qui comporte des éléments de comédie » : « la situation est triste mais drôle […] Les Vieux Chats appartient autant à la comédie qu’au drame. »

Soit une matinée comme les autres : deux patapoufs velus se faufilent dans une chambre à l’insu de leurs maîtres et miaulent avec vigueur pour obtenir leur ration de croquettes. Voilà nos vieux chats. Jusque-là, le titre tient ses promesses. Se trouve également honoré un des théorèmes comiques les plus efficaces : tout petit félin dodu, cadré de dos, en pleine course, présentera une puissance burlesque égale à l’infini. Quant à elle davantage blasée par le postérieur de ses fauves, Isidora se réveille contrariée. Isidora voit trouble et entend des voix. Prenant le temps de leur répondre, elle en oublie de fermer le robinet. L’eau déborde. Lorsqu’elle retrouve ses esprits, il est déjà trop tard, le sol, déjà maculé de flotte, s’inonde encore de larmes de panique. Crise d’angoisse. Isidora devient sénile. Malheureusement, elle est encore assez lucide pour s’en apercevoir.
 

C’est le postulat de départ : Isidora va mourir… comme tout le monde, certes, mais avant, elle passera par la case démence. Son mari, Enrique tente de conserver son sang-froid, autant que faire se peu, jusqu’à ce que Rosario, la fille caractérielle d’Isidora, débarque à l’appartement. De flippante, la situation devient alors méchamment glauque. Ravagée, surexcitée par la coke qu’elle sniffe en cachette, roulant les R avec une énergie exténuante, Rosario rapporte dans sa valise deux surprises pour sa maman chérie : plusieurs lots de savonnettes traitantes du Machu Picchu, et un joli contrat véreux. L’objet importe peu, l’enjeu du huis clos étant avant tout de se concentrer sur les rapports délétères que la mère a noué avec sa fille, un mécanisme pourri nourri au fric et à la culpabilité, auquel elles se sont toutes deux habituées.
   

L’ascenseur en panne accentue l’isolement et un suspense parfois insoutenable, notamment dans la scène des escaliers, ou Rosario, en gamine capricieuse, abandonne sa mère au sort de ses hanches défectueuses. Montage et cadrages sont élaborés de telle sorte qu’on adhère totalement au personnage de la vieille, non seulement gâteuse mais invalide. Si le pathos est évité, les plans qui nous lient à Isidora sont souvent les plus intenses du film : nous vivons seuls avec elle l’effroi de sa première grosse perte de conscience, lui empruntant parfois ses yeux délirants lorsque son visage, absent, ne nous est pas carrément offert en gros plan.
 
Et la drôlerie dans tout cela ? Peut-être faut-il chercher du côté de l’amoureuse de Rosario, Hugo, assez sidérante en mono de parachute perplexe, à l’humeur « scout toujours ». Sebastiá Silva et Pedro Peirano se reposent toutefois un peu trop sur l’écueil de la camionneuse, sans briller assez pour transcender le poncif en soi bien éculé de la « goudou ». Restent les chats grassouillets, encore trop légers pour pouvoir nous égayer. Taquins, les réalisateurs nous font croire à une éclaircie possible pour mieux enfoncer le clou : le temps passe mais les gens ne changent pas. Peu importe : « Je suis déjà partie », confesse Isidora. Au final, le constat à l’origine bienveillant – personne n’est intégralement bon ou mauvais – résonne plutôt comme une monstrueuse fatalité et nous laisse muets et arides, avec nos seuls yeux pour pleurer. Une question reste en suspens : était-ce réellement le but ?

Titre original : Gatos Viejos

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Durée : 109 mn


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